Critiques // « Une Maison de Poupée » d’Ibsen mise en scène J.L. Martinelli aux Amandiers

« Une Maison de Poupée » d’Ibsen mise en scène J.L. Martinelli aux Amandiers

Mar 17, 2010 | Aucun commentaire sur « Une Maison de Poupée » d’Ibsen mise en scène J.L. Martinelli aux Amandiers

Critique de Camille Hazard

On a souvent tendance à penser que Une Maison de Poupée d’Ibsen est une pièce féministe, soulevant la question de la condition de la femme. L’auteur en fait une idée de départ pour en fait, élargir la question concernant l’individualité.

Nora Hemler, mariée à Torval et mère de trois enfants, vit depuis toujours une existence passive, gaie, sans se soucier le moins du monde de la société qui l’entoure. Dés le début de la pièce, on la voit demander et redemander de l’argent à son mari, elle a tout l’air d’une dépensière bien capricieuse ! Mais l’intrigue va nous montrer que Nora, sous son masque de femme rayonnante, se trouve dans une situation désespérée. Il y a quelques années, le médecin de famille lui avait suggéré de partir dans le Sud pour tenter de guérir Torvald, alors gravement malade. Mais un si long voyage coûte cher et ne voulant pas mettre son mari au courant de peur que son orgueil s’effrite, Nora avait emprunté beaucoup d’argent à un homme (on découvrira plus tard qu’il s’agit de l’avoué Krogstad) en faisant un faux, elle avait signé le dépôt de garantie à la place de son père, alors mourant. Mais, il se trouve que le « bienfaiteur » Krogstad, employé dans la banque de Torvald Hemler est sur le point de se faire licencier ; celui-ci, ayant découvert le mensonge de Nora, tente de la faire chanter afin qu’elle plaide en sa faveur pour retrouver son poste. L’argent qu’elle grappille, à droite, à gauche, sert en fait à rembourser le prêt…

Nora «  …Torval, avec son amour propre bien masculin…Ce serait trop pénible et trop humiliant pour lui de savoir qu’il me doit quelque chose…Cela bouleverserait nos rapports de fond en comble ; notre beau foyer heureux ne serait plus ce qu’il est actuellement. »

Nora est une femme qui n’a jamais existé en tant que personne. Elle a reçu une éducation protégée par son père, celui-ci l’a gâtée, couvée, toujours considérée comme une petite princesse, une petite poupée…Puis elle a suivi Torvald pour qui elle était et demeure son « petit oiseau chanteur ». Nora, à la fin de la pièce, lui dit : « Vous ne m’avez jamais aimée. Vous avez simplement trouvé que c’était amusant d’être amoureux de moi. ». Toute sa détresse se retrouve dans cette phrase, elle ne vivait que dans la sublimation de son mari. À la fin de la pièce, Nora quitte tout : mari et enfants. Elle a compris qu’avant de pouvoir partager la vie de quelqu’un et de pouvoir éduquer des enfants, il lui fallait connaître le monde dans lequel elle baignait, et qu’elle devait s’éduquer d’abord !  Elle pensait que sauver la vie de son mari et épargner les derniers moments douloureux de son père, en contractant un faux, était admis, prévu même par la loi, mais elle se rend compte que son acte est terrible, impardonnable aux yeux de son mari et de la justice. Elle ne comprend pas, et part pour savoir qui à raison : la société ou elle.

Une maison en prêt-à-monter IKÉA

Le metteur en scène, Jean-Louis Martinelli, nous propose un décor et une atmosphère qui ne trahit en rien, l’esprit de la pièce d’Ibsen, mais demeure tout de même un peu fade. Le décor rappelle, une maison témoin, préfabriquée, on sent tout de suite que c’est un homme (Torvald) qui est à l’origine de l’agencement (table rase, chaque meuble correctement ordonné, voire symétrique, aucun bibelot…). La boîte aux lettres, responsable de la tragédie, est mise en évidence en fond de scène, le bureau de Torvald est représenté par une porte sur-dimensionnée par laquelle d’ailleurs Nora ne rentrera jamais ; c’est l’univers masculin, de l’autorité et du pouvoir. Le jeu des comédiens est bon, Marina Foïs, touchante, amène beaucoup de poésie et de tendresse dans le personnage de Nora. Parfois on souhaiterait que ses émotions et ses réactions se libèrent d’avantage…Que quelque chose explose devant nous.

Dans l’ensemble, on retrouve l’esprit de l’auteur, mais la mise en scène manque un peu d’engagement, la pièce se déroule sans rupture profonde ce qui la fait paraître un peu longue.

Une Maison de Poupée
Texte : Henrik Ibsen
Mise en scène : Jean-Louis Martinelli
Traduction : Jean-Louis Martinelli, Grégoire Oestermann, Amélie Wendling
Avec : Marina Foïs, Alain Fromager, Laurent Grévill, Camille Japy, Grédoire Oestermann, Martine Vandeville, Camille Broussolle, Théo Boustin, Julien Brient, Julia Alioua, Matteo Fabre, Vicktor Hardy, Augustin Lasne, Yio Skatchko, Blanche Villotte / Emmy, Bob, Ivar Hemler, Mohamed Chaouih
Scénographie : Gilles taschet
Lumières: Jean-Marc Skatchko
Son : Jean-Damien Ratel
Costumes : Karine Vintache
Coiffures, maquillage : Françoise Chaumayrac
Assistante à la mise en scène : Amélie Wendling
Collaboration artistique : Séverine Chavrier, Anne Rebeschini

Du 10 mars au 17 avril 2010 à 20h30

Théâtre Nanterre Amandiers
7 avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre
www.nanterre-amandiers.com


Voir aussi :
La critique de Bruno Deslot à propos du livre Maison de Poupée

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