Critiques // « Something Wilde », d’après « Salomé » d’Oscar Wilde mis en scène par Anne Bisang

« Something Wilde », d’après « Salomé » d’Oscar Wilde mis en scène par Anne Bisang

Oct 21, 2010 | Aucun commentaire sur « Something Wilde », d’après « Salomé » d’Oscar Wilde mis en scène par Anne Bisang

Critique de Camille Hazard

Après avoir monté Roméo et Juliette de Shakespeare, Sainte Jeanne de G.B Shaw et La griffe d’Howard Barker, Anne Bisang explore une nouvelle fois l’univers de l’enfance.

Sa toute dernière création, Salomé d’après O.Wilde, est pour elle l’occasion de retrouver une jeunesse poussée à l’extrême avec ses incompréhensions, ses doutes, ses envies de mort, ses besoins de pureté…Dans cette adaptation, la jeune Salomé n’est ni une femme fatale ni pernicieuse, ses actes sont menés uniquement par besoin de compréhension, sans peur de bousculer les codes familiaux, traditionnels et religieux. Il y a une grande naïveté et une puérilité en elle qui l’empêchent de prendre conscience totalement de ses actes ; et c’est en voyant cette adolescente se débattre avec la vie et la mort que nous pouvons être touchés par sa fragilité et sa détermination jusqu’au-boutiste. Si Salomé survit dans un  monde adolescent et obscur, ses parents, quant à eux, deviennent un prototype de famille moderne : couple recomposé et perdu dans les méandres de leur vie érotique, partage de leurs préoccupations et de leurs discordes devant leur fille, Pétrarque, père abusif qui se voile la face…Tout cela augmentant bien sûr le sentiment de trouble et d’insécurité chez Salomé…

Salomé : « Ton corps est hideux. Il est comme le corps d’un lépreux. Il est comme un mur de plâtre où les vipères sont passées (…) C’est de tes cheveux que je suis amoureuse, Iokanaan. Tes cheveux ressemblent à des grappes de raisins, des grappes de raisins noirs qui pendent des vignes d’ Édom dans le pays des Édomites. Tes cheveux sont comme les cèdres du Liban. »

Le décor et les costumes sont très bien pensés : modernes, dans les formes et les matières, et rehaussés par des touches d’éléments antiques. Tout a été pensé, dans le décor, sous forme de cercles et de demi-cercles : rideaux, estrade, espace de jeu, lune, il n’y a que la trappe qui renferme Iokanaan qui soit rectangulaire. Ce décor nous fait vite comprendre, par la symbolique du cercle, les rapports au paraître, connaître et être ! Toute la famille, et surtout Salomé, demeure dans une ambiguïté permanente avec son rapport à soi et aux autres. Un projecteur, un micro et un réflecteur de lumière utilisé au cinéma et en photographie, viennent alimenter la question de l’image et de la représentation. Salomé, enfant star de télé, désabusé, couple de parents acteurs qui n’hésitent pas à prendre la lumière et à se donner en spectacle, et enfin le serviteur, l’homme de main de la maison qui joue parfaitement son rôle de présentateur et de cadreur. Seul le prophète Iokannaan demeure dans l’ombre.  Mais en profondeur, au fond de soi-même, dans ce qu’on ne voit pas, que reste-il ? Autant de questions que Salomé va tenter de résoudre, en vain…Le spectacle dans l’ensemble est réussi, il offre des voies de réflexions et respecte l’écriture d’Oscar Wilde tout en s’en émancipant pour apporter des propositions personnelles et justes. La séquence de la danse des sept voiles est originale, plus chantée que dansée, mais une grande poésie s’en dégage.

Les comédiens ne portent pas toujours malheureusement ce texte dense, poétique et lyrique. Si physiquement Lolita Chammah endosse parfaitement le rôle de Salomé, nous ne savons pas toujours si, avec distance, elle joue à jouer ou si elle est impliquée dans ses propos. Le texte défile parfois sans corps, sans consistance : plus un texte est poétique et lyrique plus les intentions et les interprétations des acteurs devraient s’ancrer dans un sol solide, pour garder la trame accessible aux spectateurs.

Something Wilde
D’après : Oscar Wilde, « Salomé »
Mise en scène : Anne Bisang
Assistante à la mise en scène : Stéphanie Leclercq
Avec : Georges Bigot, Juan Bilbeny, Lolita Chammah, Vanessa Larré, Julien Mages
Dramaturgie : Stéphanie Janin
Scénographie : Anne Popek
Costumes : Anna Van Brée, Ingrid Moberg
Maquillage, coiffure : Arnaud Buchs
Réalisation vidéo : Alexandre Baechler
Lumières : Laurent Junod

Du 19 octobre au 14 novembre 2010

Théâtre Artistic Athévains
45 bis rue Richard Lenoir, 75 011 Paris
www.artistic-athevains.com

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