Entretiens // Rencontre • « Traversées avec Jerzy Grotowski » au Studio-Théâtre de la Comédie Française

Rencontre • « Traversées avec Jerzy Grotowski » au Studio-Théâtre de la Comédie Française

Avr 09, 2013 | Aucun commentaire sur Rencontre • « Traversées avec Jerzy Grotowski » au Studio-Théâtre de la Comédie Française

ƒƒƒ Article Camille Hazard

Grotowski

© DR

La Comédie Française et Michelle Kokosowski, professeur et théoricienne du théâtre qui s’est formée, entre autres, auprès de Jerzy Grotowski, organisaient, ce lundi 8 avril, une journée dédiée à ce grand maître du théâtre.Série de projections, rencontres et interviews, encadrées chaleureusement par Thomas Richards et Mario Biagini, tous deux directeurs du « Workcenter of Jerzy Grotowski and Thomas Richards » à Pontedera en Italie.

Après une brève présentation de l’homme de théâtre, de ses approches, de son infatigable quête à comprendre la vie et les hommes, nous entrons pleinement dans son travail.« L’acceptation de la pauvreté au théâtre, dépouillé de tout ce qui n’est pas essentiel pour lui, nous a révélé non seulement le propre du théâtre, mais également les profondes richesses qui sont dans la nature même de la forme artistique. »

Vers un théâtre pauvre, Jerzy Grotowski

Un entretien réalisé par Marianne Ahrne en 1992, nous immerge dans sa relation avec les comédiens, ses essais de metteur en scène, ses « ratés ».

Ses expériences soutenues par l’idée de mémoire. Cette mémoire émotionnelle et fondamentale que doivent retrouver les comédiens pour connaître leur présent et leur chemin futur.

La démocratisation du cinéma et de la télévision, entraîne chez lui une question fondamentale qui va être un des points de départ de sa recherche créatrice : « Que faut-il pour que le théâtre survive ? », comment trouver la nécessité, la spécificité du théâtre ? Y-a-t-il besoin de décors ? non. De lumières ? non. De costumes ? non. En éliminant peu à peu les parures, le faste, le superficiel, une conclusion s’offre d’elle-même ; le théâtre c’est un metteur en scène, un acteur et un public.

On suit alors son engagement à changer les relations acteurs-metteur en scène, la place du public qui n’est plus en position frontale, inerte, mais élément vivant du spectacle. Mais Grotowski n’oublie pas l’importance du proscenium et laisse toujours une distance, soit physique, soit morale entre les acteurs et le public.

Il nous raconte le développement du travail, la place du training pour casser les résistances physiques, pour libérer le canal d’énergie qui traverse les comédiens… La nécessité de poursuivre un entrainement qui agit contre le temps, qui apporte confiance et disponibilité. Mais attention, l’entrainement n’est pas un acte créatif, « c’est un peu comme se brosser les dents » !

La question du blasphème dans ses créations, est abordée. Mais le blasphème n’est pas une profanation et, pour qu’il existe, il faut une relation vivante au sacré. Pas de parjure donc.

resize_eve_photo2_PrinceConstant_350

« Le théâtre fournit l’occasion de ce qu’on pourrait appeler l’intégration, l’arrachage de masques, la révélation de l’être réel : la totalité des réactions charnelles et psychiques. »

J. Grotowski

Après les explications, les discussions autour de ses recherches, enfin nous découvrons ses spectacles : Akropolis d’après le drame de Wyspiański et Le prince constant basé sur le texte du dramaturge espagnol Calderón de la Barca.

Là, nous voyons ce que nous avons entendu. Là, tout s’éclaire et devient évident. La métaphore du comédien sur un bucher flambant faisant encore signe aux spectateurs, prend tout son sens.

Implication des comédiens, importance du proscenium, le sens du rituel, des chants sacrés qui reviennent en leitmotiv douloureux. Le travail des sons, des rythmes obsessionnels. La précision et l’engagement corporel jusqu’au petit doigt, les expressions des visages.

Ces films sont un trésor, un témoignage unique sur ce qui amena une totale remise en question du théâtre, sur un retour aux sources, aux origines.

Les caméras qui filment sont comme une loupe nous permettant d’explorer les plus petits détails chez les acteurs, d’apercevoir le processus du jeu, les impulsions, les respirations…

Un grand moment d’humanité, de violence poétique, porté par des artistes qui n’ont pas renoncé à transmettre cet héritage, pour que se consume encore la flamme du théâtre.

Traversées avec Jerzy Grotowski
Avec Thomas Richards et Mario Biagini

Lundi 8 avril au Studio-Théâtre
Galerie du Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli – Paris 1
www.comedie-francaise.fr
www.theworkcenter.org

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.