Critiques // Critique • « Neutral Hero » de Richard Maxwell au Centre Pompidou / Festival d’Automne

Critique • « Neutral Hero » de Richard Maxwell au Centre Pompidou / Festival d’Automne

Sep 24, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Neutral Hero » de Richard Maxwell au Centre Pompidou / Festival d’Automne

Critique de Camille Hazard

Neutral Hero : Tout ou rien

L’auteur et metteur en scène américain Richard Maxwell rassemble sur le plateau une douzaine d’artistes : musiciens, comédiens professionnels et amateurs.
Au commencement, il y a la figure du Héros.
Et il y a également le désir de réfléchir autour de la notion de neutralité au théâtre et en représentation.
Tout en se rendant à l’évidence que la neutralité ne peut exister sur scène, R. Maxwell nous déroute et nous entraine dans son anti-théâtre, dans son Rien qu’il essaie de remplir :
Le public ne sera jamais dans l’obscurité, il sera éclairé tout au long de la représentation comme le sont les comédiens sur scène. Hors de question de cacher les bouteilles d’eau mises à disposition en fond de scène, ni les allées et venues des assoiffés ! La banalité des costumes donne vie aux plus communs des mortels, des personnes que nous avons croisé mille fois, sorte de panel représentatif. Absence total de décors ou d’accessoires. Le non-jeu domine tout le spectacle avec des intonations de voix des plus neutres. Il y a bien de la musique jouée et chantée sur scène oui ! Mais de la musique country de fin de kermesse, que l’on chante un peu trop ivre ou un peu trop triste à un barbecue, une musique commune et ennuyeuse…
Tout, scéniquement, est organisé afin que nous n’assistions pas à du théâtre tel que nous le connaissons, tel que nous le comprenons.
Alors que reste-il  ??
Il reste l’essence même de l’Homme ; ce qui fait notre unicité, notre particularité. R. Maxwell nous élève au rang de Héros ordinaire.

© Michael Schmelling

Sur cette scène vide une personne s’avance, nous parle du ciel, de sa couleur, de ses effets… elle nous parle de la pluie et du beau temps.
Puis une deuxième personne prend sa place, elle s’applique cette fois à nous décrire une petite ville du Minnesota. Les comédiens vont se succéder chacun au centre de la scène pour nous décrire la topographie de cette ville banale et perdue. Pareil à des veines, nous allons connaître ses boulevards et ruelles, le moindre magasin, institut public, lieu de rassemblements…Cette ville devient une personne dont nous explorons chaque parcelle de peau, dont nous connaissons toutes les irrégularités et celle qui nous paraissait commune et indigne d’intérêt tout à l’heure, se révèle unique et indispensable maintenant à nos yeux.

Petit à petit des indices apparaissent : un Héros neutre et ordinaire se détache du groupe, un chœur aux réminiscences antiques se forme, des personnages prennent vie. Nous partageons des moments de vie, d’amour, de questions, de douleur de ce héros encore enfantin qui s’avance terrifié vers sa vie.
Successions de monologues, de dialogues devant les autres personnages au centre de la scène, un peu à la manière d’un match de boxe. Le texte (également de richard Maxwell) est d’une grande poésie, riche en évocations et contrairement à ce qui veut laisser paraître, réfléchi à la virgule près! Nous oscillons perpétuellement entre le non-théâtre, l’épure, l’absence de tout repère et la tentative du metteur en scène d’accéder à la profondeur. Nous sommes confronté à notre effroyable banalité en même temps qu’à notre moi unique. L’ambiance de cette ville nous entraine dans l’atmosphère des couches moyennes américaines, dans leurs rêves, leur religiosité chrétienne outrancière, leur orgueil, leur morale mais aussi dans leur poésie.

Si certains spectateurs habitués des spectacles-show, ont pu s’interroger sur la forme même du spectacle, les autres ont certainement dû voguer en apesanteur, nous avons assisté à de la magie. Nous nous sommes vu à l’intérieur de nous-même comme si R. Maxwell s’était caché dans notre ventre. Et en même temps nous avons vécu l’expérience d’un non-spectacle, d’un moment qui ne peut pas s’appeler, un moment vide et pourtant plein…

Neutral Hero
Texte et mise en scène : Richard Maxwell
Avec : Lakpa Buthia, Janet Coleman, Keith Connolly, Alex Delinois, Bob Feldman, Jean Ann Garrish, Rosie Goldensohn, Paige Martin, James Moore, Philippe Moore, Andie Springer et Andrew Weisell
Décors, lumières : Sascha Van Riel
Costumes : Kaye Voyce
Directeur Général : Nicholas Elliott
Directeur technique : Bozkurt Karasu
Dramaturgie : Tom King

Du 21 au 25 septembre 2011
Tous les jours à 20h30 dans le cadre du
Festival d’Automne à Paris

Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, Paris 4e
Métro Les Halles, Châtelet – Réservations 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr

Le 28 septembre 2011 à 20h
Théâtre de l’Agora
110 Place de l’Agora, 91 000 Evry – Réservations 01 60 91 65 60
www.theatreagora.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.