ƒƒ article de Camille Hazard
Adel Hakim, metteur en scène du théâtre des Quartiers d’Ivry, replonge dans l’univers de Gabriel Calderón ; auteur uruguayen, présenté l’année dernière avec trois pièces, formant la trilogie : Ouz – Ore – Ex.
Cette trilogie avait un peu fait l’effet d’une bombe dans le paysage théâtral. Gabriel Calderón venait de prouver, une fois de plus, qu’il est possible de concilier au théâtre, le comique et le dramatique tout en gardant l’idée du théâtre populaire, d’une très grande qualité.
© DR
Si Ex met en scène la cellule familiale explosée, sous les traits d’un huit clos, si Ore reprend les codes du film fantastique sans peur de la démesure, et si Ouz ressemble trait pour trait à un épisode de mauvais feuilleton salace sur fond biblique, Mi Muñequita reproduit les schémas du cinéma d’horreur.
Ces constructions théâtrales, loin d’être anodines, permettent de capter notre attention pour ensuite offrir à l’auteur, la liberté de nous emmener sur des chemins de traverses beaucoup plus raides, beaucoup moins drôles.
Les ingrédients de l’horreur sont là ; la poupée bien sûr, pleine de gentillesse et de maléfices, une famille exemplaire en apparence mais à laquelle on ne peut pas se fier, des meurtres, plein de meurtres et une jeune fille, en régression, complètement perdue.
La pièce met en scène la confrontation des membres de cette famille avec l’enfant et sa poupée. Sur fond de farce grotesque et colorée, se cachent des tabous enfouis depuis des années dans la famille ; abandon, trahison, inceste…
La vie intestine de la famille avec toute la bile qu’elle contient, n’est pas un sujet nouveau. Du théâtre, à la danse, jusqu’au cinéma, la famille est un sujet qui ne cesse de nous hanter.
Gabriel Calderón puise son génie, non pas dans les sujets qu’il fouille (instances familiales et politiques), mais dans la théâtralité et la question de la représentation. Il cherche et réinvente le théâtre. La famille est le lieu des non-dits. Dans le spectacle, G. Calderón (et son metteur en scène, complice Adel Hakim), prend le pari de montrer les veines empoisonnées de cette cellule sans rien en dire (ou presque), il nous faut gratter la couche de graisse pour trouver l’os. Les chansons, les chorégraphies, le jeu des comédiens et des personnages, sortis tout droit d’un film d’Almodovar, forment un tourbillon de ringardise parfois gratuit, souvent caricatural, sous lequel se tapi le monstre familial. Des moments de grâce s’échappent de ce tourbillon bruyant, nous n’entendons, ni ne voyons la vraie obscurité de cette famille, nous en gardons le goût amer dans la bouche.
Comme dans tous ces textes, l’auteur fait intervenir un personnage qui n’appartient pas tout à fait à la pièce mais qui n’en est pas non plus extérieur ; personnage ambigu qui convoque ce que nous voyons sur scène, sorte d’oracle qui nous donne à voir ces prédictions. Ses allers et retour entre la scène et le public nous maintiennent concernés et toujours au centre des situations.
La mise en scène d’Adel Hakim épouse finement les contours de l’écriture ; Il se sert et reproduit les formes de productions audiovisuelles comiques, pressées et de bas étage, pour en faire sortir une pépite de douleur et montrer l’essence du drame.
Mi Muñequita
Texte de Gabriel Calderón
Compagnie La Mala Nueva – Chili
Mise en scène Adel Hakim
Scénographie et costumes Victor López
Lumière et adaptation musicale Felipe Grandón
Assistant à la mise en scène Felipe Grandón
Avec Andrés Alegría, Carlos Briones, Pablo Dubott, Ignacia Goycoolea, Carolina Alarcón et Angélica MartinezDu 29 septembre au 19 octobre 2014
Théâtre des Quartiers d’Ivry
Studio Casanova
69 avenue Danielle Casanova – 94200 Ivry Sur seine
M° Mairie d’Ivry
Réservation 01 43 90 11 11www.theatre-quartiers-ivry.com
lire l’article sur OUZ
comment closed