Critiques // « Libido sciendi », chorégraphie de Pascal Rambert, Dans le cadre du festival Rambert à nu, aux Bouffes du nord

« Libido sciendi », chorégraphie de Pascal Rambert, Dans le cadre du festival Rambert à nu, aux Bouffes du nord

Juin 22, 2015 | Commentaires fermés sur « Libido sciendi », chorégraphie de Pascal Rambert, Dans le cadre du festival Rambert à nu, aux Bouffes du nord

ƒƒ article de Florent Mirandole

150609-slide © Akatre

Une femme nue escalade le corps de son partenaire, et semble l’étouffer sous son poids, pour redescendre le long de son corps. Ce pourrait être une séance de lutte ou une performance sportive. C’est un acte d’amour. Pascal Rambert met en scène dans « Libido Sciendi » un couple qui se livre à une longue séance d’amour. Le metteur en scène a voulu laisser de côté les joutes amoureuses et les longues séances de séduction pour rentrer dans le vif du sujet, l’acte sexuel. Pour une fois, montrer ce autour de quoi tourne de nombreuses pièces sans jamais le mettre en scène. Pendant une grande demi-heure, les corps s’imbriquent, les mains agrippent. Les deux danseurs prennent le temps de s’explorer, de se dévoiler, pour finir par se livrer l’un à l’autre.

« Libido sciendi », qui signifie « j’apprends par le sexe » et « je suis enseigné par le sexe », réussit particulièrement à exprimer dans quel abîme, dans quel oubli total peut entrainer l’amour physique. Sur la piste du plaisir, les deux corps explorent pas à pas les parcelles inexplorées des membres, ses versants inconnus, ses faces cachées. Ils se plongent littéralement l’un dans l’autre pour s’en remplir, s’en étouffer, au point de n’être plus motivé que par la seule recherche du plaisir.

Le risque était réel que la représentation crue d’une scène d’amour tombe dans l’ornière du voyeurisme ou du plaisir malsain. Parce que ces questions sont balayées dès les premières minutes, et parce que l’engagement des deux danseurs est total, la pièce laisse place à une représentation particulièrement fine et spectaculaire du vertige de l’amour physique. Les gestes sont justes, tendres et brutaux à la fois. Ainsi le vol plané de la fille sur son homme traduit tout à la fois la force du désir et le dépassement physique. Cet abandon laisse parfois jaillir des pulsions secrètes. Ainsi au milieu des caresses et des échanges, la volonté de domination refait parfois surface. Campée sur les épaules de Kévin Jean, Nina Santes se dresse fièrement. Pour un peu elle planterait un drapeau sur ce corps conquis. Il faut attendre l’instant de jouissance pour qu’ensuite, le corps léger, les deux parcourent la scène et volent à nouveau à l’unisson.

La réussite de cette pièce tient peut-être à l’image de ces deux corps roulés l’un sur l’autre, pour finir par n’en faire qu’un. Il y a 3 personnes dans un couple paraît-il, les deux individus et le couple qu’ils forment. Pascal Rambert réussit a faire apparaitre cette troisième personne. Rarement le désir aura été raconté avec autant de force.

Libido Sciendi
Conception et réalisation Pascal Rambert
Transmission de la pièce Lorenzo de Angelis
Lumière Yves Godin
Avec Nina Santes et Kévin Jean

Du 19 juin au 20 juin 2015

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
Réservations 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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