ƒƒ Article Camille Hazard
Pour le quatrième volume de la série théâtrale consacrée aux écrivains de plateau, Bruno Tackels repart, en aventurier, explorer la vie créatrice de Rodrigo Garcia.
Passionné et spécialiste de Walter Benjamin, c’est avec ardeur que Bruno Tackels poursuit quête dans l’univers de d’art et du théâtre. Si ses livres suscitent un véritable intérêt quant au travail des artistes abordés, le lecteur a aussi plaisir à lire les prologues de B. Tackels dans lesquels il n’omet jamais de considérer le lecteur novice qui découvre son travail mais également le lecteur avide qui ouvre les différents volumes comme un nouveau rendez-vous. Il tisse des liens entre les précédents livres tout en reprenant le commencement de ses réflexions et de ses influences. Un dialogue.
« Ecrire pour les acteurs, c’est forcément écrire pour ce moment unique, pour cet être, sa voix, sa pulsation, sa lumière, son énergie, sa présence et pour elle seule. C’est elle qui le fait écrire, et qui donne forme à ce qui va devenir une écriture. » B. Tackels
Sans la volonté consciente de couper court avec la tradition du metteur en scène à « monter » des textes d’auteurs vivants ou morts, les écrivains de plateau sont en perpétuelle recherche d’une nouvelle langue théâtrale, de nouvelles formes d’expression pour inviter le spectateur à se confronter à une œuvre totale.
La première partie, « Rodrigo Garcia, La théorie en cinq points », titre d’ailleurs assez réducteur, nous rapproche de l’artiste ; B. Tackels tisse un portrait de lui à partir de ses œuvres et de son histoire personnelle. L’influence très présente de la philosophie dans son travail, les cinq éléments qui peuplent ses spectacles : l’enfant, l’animal, le corps, la nourriture, la violence. La question qui revient continuellement chez lui : « Comment faire voir ce que le capitalisme fait faire aux corps et aux esprits qui le nourrissent, qu’ils semblent victorieux ou victimes ? ». Car R. Garcia s’intéresse moins aux dangers de la globalisation, consommation, uniformisation, mondialisation (…) qu’à leurs effets ; comme s’il mettait un point d’honneur à représenter sur scène l’après nous, l’après-société au bord de l’implosion ; ses spectacles sonnent comme une prophétie possible du pire, du toujours pire. L’écriture de plateau, les provocations voulues ou ressenties par le public, le travail d’acteurs, les thèmes récurrents qui parcourent les spectacles de la compagnie La Carnicería Teatro, sont autant d’approches que nous découvrons dans ce premier chapitre.
« Certes, ce que ce théâtre nous montre n’est pas très agréable à voir : peu confortable d’assister, in situ, à la lente mise à mort des corps dans l’arène cathodique de la consommation. » B. Tackels
Le second chapitre regroupe trois interviews de Rodrigo Garcia réalisées entre 2002 à 2005 (dont une menée par Santander). Du temps est consacré aux acteurs de la compagnie. Le metteur en scène avoue que le « choix des personnes est aussi important que le texte lui-même ». Plus que de ses idées ou de sa vision du monde, Bruno Tackels l’amène à parler du processus créatif et de son engagement dans le travail… On pénètre au cœur de la conception d’After Sun, du Roi Lear, Goya, L’Histoire de Ronald le clown de Mac Donald… Tant de performances chocs qui fouettent le visage du public.
Puis la parole est donnée quelques instants au comédien « pilier » de la compagnie Juan Loriente qui, tout en appuyant les propos de R. Garcia sur son engagement théâtrale total, raconte ses ressentis de scène, parfois douloureux, souvent exaltés. Enfin comme souvent avec délicatesse, Bruno Tackels se retire et laisse l’artiste se dévoiler de façon moins didactique, plus introspective. Un voyage poétique qui laisse la lecture en suspens jusqu’au prochain plateau accosté.
Rodrigo Garcia
Ecrivains de plateau IV
De Bruno Tackels
Les Solitaires Intempestifs
1 rue Gay-Lussac
25000 Besançon
www.solitairesintempestifs.com
www.rodrigogarcia.es