Critique de Rachelle Dhéry –

Sganarelle vient de perdre sa femme et son seul souci est sa fille, Lucinde. En effet, cette dernière est tombée amoureuse du jeune et beau Clitandre, et ne parle que de mariage. Or, le mariage coûte cher, et Sganarelle, en vieux radin bourru, refuse catégoriquement une telle idée. Heureusement, Lisette, servante de Lucinde, aidée du valet Champagne, décide de lui jouer un vilain tour. Elle lui fait croire que sa fille est très malade, et Sganarelle se voit dans l’obligation de faire venir des médecins. Tous s’avèrent incapables de guérir l’étrange maladie qui ronge Lucinde, et se prêtent à un jeu à la fois grotesque et absurde, sans oublier, toutefois, de récupérer leurs honoraires. Ayant perdu tout espoir, Sganarelle ne sait plus comment faire pour sauver sa fille. C’est alors qu’un merveilleux guérisseur, qui s’avère être en réalité le jeune prétendant Clitandre, déguisé en médecin, va trouver le parfait diagnostic : pour sauver Lucinde, il faut lui faire croire qu’elle va pouvoir se marier avec lui. C’est donc sans s’en rendre compte que Sganarelle se fait duper, et accepte, sans le savoir, l’union véritable des jeunes tourtereaux.

A l’origine, par ordre du Roi, Molière écrit cette comédie-ballet, dont la musique est composée par Jean-Baptiste Lully, et la présente pour la première fois à Versailles le 15 septembre 1665. Il s’agit de la première pièce mise en scène par la troupe de Molière en tant que troupe du Roi. Depuis, elle fait partie des incontournables de Molière. « L’amour médecin » a la particularité d’être une satire décapante du corps médical, et bien loin de la désuétude, elle évoque à notre époque, toute l’hypocrisie qui règne chez ceux qui soi-disant détiennent le savoir, le pouvoir, et tiennent nos vies entre leurs mains. Toutefois, avant d’être corrosive, cette pièce est extrêmement drôle, puisqu’elle repose sur un brillant mélange de “tel est pris qui croyait prendre”, avec une pincée d’avarice paternelle et une bonne dose de révolte fougueuse propre à la jeunesse.

C’est alors, que, évènement mémorable, près de 400 ans plus tard, une jeune compagnie empreinte de fraîcheur, de dynamisme, et étonnamment douée, décide de représenter « L’amour médecin », dans les Grandes écuries de Versailles, dans le cadre du Festival du Mois Molière 2011.

Une toile peinte tendue par des mâts, des masques de commedia, des costumes audacieux et superbes, des chants, de la danse et un accordéon, et le tour est joué. Dès le début du spectacle, c’est un valet de commedia d’une rare poésie (Mélanie Surian, alias Champagne), tout en humour et en subtilité, qui nous accueille au son d’un accordéon (Eric allard-Jacquin) à la fois mature et passionné. En bref, on est tout de suite captivé par cet univers qui nous plonge tout droit dans un décor fantasmé du théâtre du XVIIème siècle. Les autres comédiens ne sont d’ailleurs pas en reste. Mélanie Le Duc incarne une Lisette drôle, piquante, touchante et rafraîchissante, tandis que Pierre Devanne adopte à merveille un Sganarelle bourru, avare et crédule. Guillaume Charbuy (Clitandre) et Estelle Breton (Lucinde) forment un couple mielleusement comiques, et les autres personnages sont endossés tour à tour, par les uns ou les autres.

La compagnie A Tout Va!, est née en 2008, de la volonté d’anciens élèves du studio Alain de Bock de monter des spectacles de commedia, mais aussi de créations contemporaines, et de spectacles jeunes publics. Stephan Debruyne, le metteur en scène et leur ancien professeur, issu de la Commedia (a travaillé notamment avec Carlo Boso et Jean-Hervé Appéré), réalise ici une pièce à la fois pertinente, efficace, poétique, au rythme enlevé, d’une rare fraîcheur, d’une excellente maîtrise, et parfaitement orchestrée. Indubitablement inscrite dans la lignée des beaux spectacles de commedia dell’arte, cette pièce ravira assurément toute la famille, ainsi que les amoureux de Molière.

L’Amour Médecin
De : Molière
Mise en scène : Stéphan Debruyne
Avec : Estelle Breton, Guillaume Charbuy, Pierre Devanne, Mélanie le Duc, Mélanie Surian
Accordéoniste : Éric Allard-Jacquin
Chant : Ariane Dumont-Lewi
Masques et tréteaux : Stefano Perocco
Création costumes : Delphine Desnus
Compagnie A Tout Va!

Le 29 juin 2011 à 20h30
Dans le cadre du Festival du Mois Molière
Cour des Grandes Écuries de Versailles

Du 7 au 31 juillet 2011 à 18h30
Dans le cadre du Festival d’Avignon (Off)
Théâtre du Grand Pavois
13 rue de la Bouquerie, 84000 Avignon – 06 65 61 11 74

theatre-atoutva.com

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