Critiques // « La Folie d’Héraclès » d’Euripide à la Comédie Française

« La Folie d’Héraclès » d’Euripide à la Comédie Française

Mai 30, 2010 | Aucun commentaire sur « La Folie d’Héraclès » d’Euripide à la Comédie Française

Critique de Camille Hazard

Christophe Perton, metteur en scène de la pièce La Folie d’Héraclès, fait un parallèle entre cette tragédie et le monde des traders. Depuis le début de la crise financière, nous avons pu voir des traders dans des publicités, des sketchs d’humoristes, des caricatures, des musiques de variété et maintenant sur la scène du Vieux-Colombier… rien de bien original donc, ni de percutant !

© David Anémian

La Folie d’Héraclès selon Euripide

À Thèbes, tout le monde pense qu’Héraclès, parti aux enfers accomplir le dernier de ses travaux, est mort. La ville est en pleine débâcle :  Lycos profite de cette occasion pour voler la couronne et ordonne la mise à mort d’Amphitryon, le père d’Héraclès, Mégara, sa femme et ses deux enfants. Héraclès, retardé parce qu’il sauvait Thésée du royaume des morts, revient dans la cité juste à temps pour sauver sa famille et tuer Lycos. Mais Héra, jalouse d’Héraclès, lui envoie une terrible malédiction : il massacrera sa femme et ses enfants. Celui-ci tombe soudainement dans une profonde démence et accomplit les meurtres. Lorsqu’il revient à lui, son père lui annonce le fléau qui vient de s’abattre. Impossible de survivre après cette barbarie, Héraclès ne songe plus qu’à sa mort. Arrive alors Thésée dans la cité de Thèbes qui entend les plaintes autour de lui. Il dissuade Héraclès de se donner la mort et l’emmène sur sa terre natale : Athènes. Commence alors un long et douloureux exil pour Héraclès…« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé. » Peter Brook

Quelques commentaires !

Nous pourrions parler des partis pris de mise en scène comme les liens qui unissent le héros antique et le héros moderne, la présence du chœur : deux chanteurs lyriques, anges gardiens du héros et de la cité, l’écriture d’un prologue chantant le monde de la bourse avec ses failles, la surpuissance des traders cachés derrière leur ordinateur…

Nous pourrions parler aussi du décor exubérant : Au début de la pièce, pendant le long prologue, nous sommes face à des panneaux signalétiques où défilent sans cesse des chiffres pendant qu’un trader (le même comédien qui interprète Héraclès) spécule ou affronte les reproches de sa famille au téléphone. Le décor change lorsque se produit l’effondrement total du système boursier. Des papiers brûlés jonchent la scène, le cœur du palais antique n’est que désolation avec des barres de fer noires, des murs noirs, des escaliers noirs et un écran vidéo qui passe tantôt des images de nuages gris et noirs ou tantôt une représentation de la cité en formes géométriques…

© David Anémian

Nous pourrions également parler du jeu des comédiens qui, dans sa forme, est parfait !! On se délecte à chaque instant de la diction méticuleuse de la part de chacun des comédiens, de la technique irréprochable des ruptures, des émotions dans la voix, des intonations toujours parfaitement placées…Nous pourrions parler de plein d’autres choses encore mais à quoi bon ??

La mise en scène, la pièce dans l’ensemble et le jeu des comédiens sont absolument dépourvus d’engagement théâtral. Cet acte théâtral dont parle Peter Brook et bien d’autres maîtres du théâtre d’ailleurs, n’a pas été un seul instant amorcé sur scène…Tout est brillant, bien pensé, attrayant, tendant vers la perfection des formes, des couleurs ou des intonations…mais tout cela reste bien plat et bien pauvre.

En sortant du spectacle, j’ai entendu quelqu’un tout sourire qui disait : « Ce spectacle était vraiment très sexy !! » là non plus, le sens ne m’est pas parvenu…On a l’impression que tout en voulant amener de l’originalité, et être incisif, le metteur en scène et les comédiens n’ont surtout pas voulu troubler ce public venu se délecter du texte d’Euripide.

Rappelons qu’aux temps des représentations théâtrales à la gloire de Dionysos, les auteurs antiques profitaient de ces fêtes pour critiquer le pouvoir, pour poser des questions, faire réfléchir le Peuple et n’hésitaient pas à aller loin dans leurs propos. Il eût été plus profond et moins prétentieux de retrouver dans la pièce la notion de sacré, de rituel que de chercher des parallèles consensuels qui flattent autant un public de droite que de gauche…

Le théâtre ne doit pas être qu’intellectuel avec de bons orateurs, il est aussi fait de corps, de chair, de sueur et d’âmes qui, une fois sur scène, n’ont plus aucune limite et pourtant ont tout pouvoir…

La Folie d’Héraclès
De : Euripide
Mise en scène : Christophe Perton
Traduction : Victor-Henry Debidour
Avec : Andrzej Seweryn, Clotilde de Bayser, Christian Cloarec, Benjamin  Jungers, Nâzim Boudjenah, Olivier Werner, Pauline Moulène, Serges Kakudji et Éléonore Lemaire
Prologue : Lancelot Hamelin
Adaptation pour la scène : Christophe Perton
Décor : Christian Fenouillat et Christophe Perton
Costumes : Alexandra Wassef
Lumières : Kévin Briard
Musique originale : Fabrizio Cassol
Son : Frédéric Bühl
Vidéo : Clément Martin
Assistante à la mise en scène : Mirabelle Ordinaire

Du 28 mai au 30 juin 2010

Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75 006 Paris
www.comedie-francaise.fr

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