Critiques // « La Dernière Leçon » de Noëlle Châtelet au Théâtre Artistic Athévain

« La Dernière Leçon » de Noëlle Châtelet au Théâtre Artistic Athévain

Mai 19, 2011 | Aucun commentaire sur « La Dernière Leçon » de Noëlle Châtelet au Théâtre Artistic Athévain

Critique de Camille Hazard

Ça sera donc le 17 octobre…

Date où une mère qui a donné la vie, décide de se donner la mort.
Réaction des enfants, d’une fille.
Préparation douloureuse à cette mort.
Puis, le jour qui approche, qui s’impose fatalement, et enfin le vide, le silence…

C’est ce long passage de la vie vers la mort que nous livre la comédienne Catherine Rétoré, cette fille-femme qui maintenant doit retourner sur les bancs de l’école pour réapprendre. Réapprendre quoi ? Réapprendre la vie, à l’école de la Mort. Apprendre à la sentir, l’appréhender, tenter de la comprendre, de l’apprivoiser, de l’approcher jusqu’à se sentir soi-même chaude, pleine et en vie. Elle nous raconte la décision inébranlable de sa mère à mettre un terme à sa vieillesse, à s’endormir à jamais dans la dignité.
– Sujet autant effrayant que tabou dans notre société –

© Flore Gandiol

Sans jamais tomber dans le macabre ni la complainte, le texte de Nöelle Châtelet et la mise en scène de Gérald Chatelain, jouent sur la pleine pudeur, l’effleurement des mots, le tâtonnement des sentiments. La Mère et la Mort, personnages symboliques, apparaissent par intermittence sous les traits de marionnettes manipulées à vue.
Proposition scénique de ce texte dénudée et dénuée de tout repère. Pas d’époque, pas de lieu, aucun indice, rien qui puisse nous retenir : nous nous efforçons de nous accrocher au texte et aux mots mais nous dérivons parfois vers des terres ennuyeuses…
Sur le plateau, une immense estrade recouverte d’un drap blanc: évocation d’un lit familier et protecteur, où des joies et des actes d’amour l’ont froissé autrefois. Puis le drap disparaît devenant linceul et laissant apparaître une surface lisse et noire, sorte de purgatoire, d’espace transitoire pour cette femme qui décide de se livrer et de se délivrer.

« Tu m’apprends la mort comme tu m’as appris à manger, à écrire. »

Si le texte est parfois poignant, la comédienne convaincante par sa sincérité et sa sobriété, il n’en reste pas moins qu’on s’ennuie ! Les flots de mots qui parviennent trop facilement aux lèvres, la facilité déconcertante à nous parler, à trouver les mots justes pour illustrer des sentiments douloureux, perturbants et encore frais, nous enlèvent toute possibilité d’identification et provoquent un sentiment de gêne: on a l’impression d’assister à une discussion intellectuelle d’une femme avec elle-même, centrée sur elle-même et pour elle-même. On ne ressent pas la soif de se livrer, ni de comprendre l’incompréhensible, de chercher les sens de cet acte de mort devant nous. Le spectacle manque cruellement de théâtralité, la comédienne, dont nous ne remettons en question ni le jeu ni le talent, serait magnifique à l’écran, filmée en plans resserrés, mais sur un plateau vide, l’énergie ne passe pas. A trop vouloir épurer, il ne reste qu’une voix redondante. Bien sûr, il y a quelques jolies trouvailles, des imageries enfantines, des ombres qui se découpent sur le mur du fond de scène, l’actrice qui occupe l’espace avec des mouvements, des pas, des postures déséquilibrées, mais toutes ces idées n’arrivent malheureusement pas à masquer le manque d’engagement face à ce texte fort et dérangeant.

On regrette la propreté, le contrôle, l’aspect lisse et poli de la mise en scène, on aurait préféré assister à “un lâcher prise” de la comédienne, à des états qui nourrissent ce texte si dense, à une perte de contrôle qui nous montre que rien n’est gagné d’avance…

La Dernière Leçon
De : Noëlle Châtelet
Avec : Catherine Rétoré, Natacha Stayanova, Sylvain Blanchard et la voix de Sabine Haudepin
Adaptation et mise en scène : Gérald Chatelain
Mise en images : Jean-Pierre Lescot
Scénographie : Jean-Pierre Lescot et Gérald Chatelain
Lumière : Franck Thévenon
Son : Jean-Pierre Horville
Musique : Jean-Sébastien Bach
Musique originale : Alain Moget
Assistante à la mise en scène : Claire Lamarre
Collaboration ombres et marionnettes : Stéphane Couturier et Jean Massart
Construction : Jipanko

Du 7 au 31 mai 2011

Théâtre Artistic Athévain
45 bis rue Richard Lenoir, Paris 11e – Réservations 01 43 56 38 32 ou 08 92 70 77 05
www.artistic-athevains.com

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