Critiques // « La Cruche cassée » d’Heinrich von Kleist par la Cie Def Maira à l’Odéon / Festival Impatience

« La Cruche cassée » d’Heinrich von Kleist par la Cie Def Maira à l’Odéon / Festival Impatience

Juin 21, 2010 | Aucun commentaire sur « La Cruche cassée » d’Heinrich von Kleist par la Cie Def Maira à l’Odéon / Festival Impatience

Critique de Camille Hazard

La Cruche cassée, une satire de la justice et de la dissimulation humaine.

Dans un petit village reculé des Pays-Bas, huit personnes se préparent à un procès. La nuit précédente quelqu’un a osé s’introduire chez Dame Marthe en commettant un épouvantable crime : celui d’une cruche, fierté familiale depuis des dizaines de générations…Cette pièce contient tous les thèmes chers à son auteur Heinrich Von Kleist et que l’on peut retrouver dans l’ensemble de son œuvre : Le conflit entre l’intérêt individuel et communautaire, l’exclusion, le masque et la dissimulation, la tromperie, le secret et l’interrogatoire, le besoin de confiance, les méprises sur les êtres, les rapports familiaux…Ces thèmes graves et noirs sont toutefois traités dans la pièce avec comique par son auteur et sous différents registres théâtraux par le metteur en scène Thomas Bouvet.

Un théâtre populaire, rituel et comique sous fond de noirceur

D’emblée, nous nous trouvons dans un univers gothique : Adam renversé sur le dos, le visage tendu vers nous et grimé comme un personnage morbide, est attaché par des rubans rouges que tiennent des bourreaux drapés et encagoulés de noir. Au fond de la scène, domine du haut de 5 mètres de robe, le visage et  la voix d’un personnage féminin onirique intervenant en tant que différents personnages dont la Justice divine.

Tous comparaissent devant le juge Adam et le conseiller : ce qui retient notre attention en même temps que le texte magnifique, ce sont les registres et les voix multiples.

De la plainte lyrique ou pathétique aux interventions comiques entre le conseiller et le juge, les tons et les rythmes varient grâce à des ruptures habilement mises en scène. L’aspect comique du texte réside dans l’acharnement du juge à instruire ce procès tout en dissimulant sa faute et en inventant sans cesse de nouvelles explications dans ses mensonges ! Les acteurs, et plus particulièrement Damien Houssier dans le rôle du juge Adam, font preuve d’une précision et d’une diction parfaite, joignant la parole aux expressions du corps. La gestuelle qui accompagne leur jeu est très techniquement travaillée : on se délecte devant l’agilité et la rigueur des mouvements.

La mise en scène est très esthétique avec beaucoup de couleurs dans les costumes, dans la peinture qui recouvre le haut des corps des personnages et dans les différentes teintes des lumières. Thomas bouvet a fait le pari de nous montrer un théâtre complet dans ses registres, à travers un texte littéraire et pointu et à travers un jeu des comédiens centré sur l’expression des corps.

Nous retrouvons un style expressionniste dans les maquillages, très exagérés et marqués. La présence de cette entité féminine surélevée et drapée rappelle quelque peu le théâtre antique où le Chœur était monté sur des échasses. Le comique est présent dans le texte mais le jeu très morcelé et découpé des comédiens, faisant penser à des automates, révèle l’absurdité de la situation au tribunal.

Dans l’ensemble, le spectacle retrouve le ton du théâtre populaire.

Les acteurs s’adressent à nous uniquement de manière frontale essayant par là de nous happer dans le texte. Mais les partis pris très réussis et originaux, s’enchaînent de manière automatique sans toutefois amener de souffle vivant : le jeu des comédiens est bon, les décors, les maquillages portent une vraie personnalité, le texte nous parvient toujours avec une grande fluidité, tout est bien et beau. Peut-être manque t-il un peu d’actions instinctives qui nous feraient croire que rien n’est défini à l’avance…

C’est en tout cas une très belle mise en scène de Thomas Bouvet.

La Cruche cassée
De : Heinrich von Kleist
Mise en scène : Thomas Bouvet
Par : la Cie Def Maira
Avec : Thomas Bouvet, Clovis Fouin, Damien Houssier, Maxime Kerzanet, Noemi Laszlo, Shady Nafar, Gilian Petrovsky, Laetitia Vercken
Traduction : Tuth Orthmann et Eloi Recoing
Assistant à la mise en scène : Martin Douaire
Création sonore : Pierre Routin
Maquillage et coiffure : Nathalie Regior
Costumes : Christine Bouvet
Lumières : Laurent Benard
Collaboration à la scénographie : Perrine Leclerc-Bailly
Construction structure : Frank Lagaroje

Les 19 et 20 juin 2010
Dans le cadre du
Festival Impatience

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon, 75 006 Paris
www.theatre-odeon.fr

defmaira.free.fr

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