Critiques // « Jérusalem Plomb Durci » au Théâtre de l’Odéon / Festival Impatience

« Jérusalem Plomb Durci » au Théâtre de l’Odéon / Festival Impatience

Juin 24, 2011 | Un commentaire sur « Jérusalem Plomb Durci » au Théâtre de l’Odéon / Festival Impatience

Critique de Camille Hazard et Pauline Decobert

Voyage halluciné dans une dictature émotionnelle.

La Winter’s Family, duo de musique expérimentale composé de Ruth Rosenthal (voix et texte) et de Xavier Klaine (piano, grandes orgues, harmonium célesta) mêle  son travail à des images documentaires, filmées au hasard de rencontres en Israël, de cérémonies de fêtes juives, des images médiatique, du divertissement…  Ces images sont confrontées à des sons, des bruits de rues distincts comme des cris, des alarmes, des tirs de mortiers et d’autres moins reconnaissables qui s’enchevêtrent dans la partition pour donner un sentiment de chaos, d’absurdité à toutes ces vies…

Suite à  leur rencontre à Jaffa en 2004, R.Rosenthal et X.Klaine ne se sont plus quittés et tentent depuis d’explorer ensemble, le monde des sons, leurs impacts sur nos sens, leur symbolique poétique… Jérusalem Plomb Durci prétend nous confronter à « une hallucinante dictature émotionnelle », c’est-à-dire que le spectacle veut montrer, au-delà des faits, la douleur et les sentiments de ceux qui vivent le conflit Israëlo-Palestinien au quotidien tout en étant imprégnés des images que les « pouvoirs » en place font circuler.

Effectivement, la compagnie Winter’s Family recherche une objectivité, une certaine distance : elle veut montrer la folie nationaliste qui s’empare du peuple israélien matraqué de symboles par les médias. Si Israël est critiqué pour ses actions en Palestine, il est aussi ce peuple meurtri victime de la Shoah, à la recherche d’une terre depuis une éternité, tandis que la Palestine est montrée comme la victime d’Israël, piétinée et colonisée. Certes, mais n’est ce pas finalement cette vision générale que l’on retrouve dans l’opinion publique ? En tant que « documentaire », la pièce n’apprend pas grand-chose à ceux qui s’intéressent un minimum aux informations mondiales. On retrouve, intégrées au spectacle, toutes sortes de clichés comme l’appel à la prière des Muezzins, l’hymne national israélien chanté main sur le coeur, les drapeaux bleus et blancs hissés et flottant au vent, musique traditionnelle de mariage juif…

Malgré quelques facilités, malgré un embouteillage d’idées qui se pressent sur la scène en trop grand nombre, le spectacle met en lumière quelques résolutions de l’ONU,  choquantes puisqu’elles témoignent au grand jour de l’inactivité avouée de l’organisation. Malgré les morts, les dégâts terribles engendrés par un conflit dont le monde entier doit se sentir responsable, les membres de l’ONU ne décident jamais que de « rester saisis de la question ». Une absurdité presque ubuesque.

Blancs décors  sur plateau froid

Ruth Rosenthal nous offre une véritable performance. Seule en scène tout au long du spectacle, elle dégage une grande présence dans des gestes simples, son visage reste celui de la douleur, comme un masque. Comparable au personnage du Kid dans le film de Charlie Chaplin, elle erre sur cette terre partagée, assiste impuissante, aux scènes tragiques, absurde, festives, jouent aux petits soldats de plomb lorsque la guerre éclate, s’amuse à incarner toute une armée de soldats fière de parader, fusil en main…

La sobriété du décor (blanc, un drapeau, quelques socles) est au service de la comédienne qui l’envahit de drapeaux israéliens au fur et à mesure, comme Israël a grappillé les terres qui l’entouraient. Mais hélas, la compagnie abuse largement des hurlements de sirènes et d’avions pour recréer si facilement l’ambiance angoissante de la guerre qui sourde à chaque instant. Le voyage ne nous emmène pas en Israël, l’hésitation entre la distance des idées et l’émotion nous en empêche. Mais la fin de la pièce, d’une magnifique simplicité, sonne comme un coup de fouet nous cinglant le visage et venant rompre la froideur de la pièce.

La Winter’s family met les pieds dans cet insoluble conflit, broie des idées sans concession mais n’a peut être pas suffisamment fait mûrir ses réflexions.

A vaste conflit, vaste spectacle…

Jérusalem Plomb Durci
Conception, mise en scène et scénographie : Ruth Rosenthal, Xavier Klaine
Interprétation : Ruth Rosenthal
Enregistrement et diffusion sonore : Xavier Klaine
Création lumières et régie générale : Julie Rochereau
Ingénieur du son : Sébastien Tondo
Voix additionnelles : Yael Karavan, Jean-Baptiste Duchenne, Marilee Scott, Brian Grempp
Collaboration artistique : Yael Perlman

Jeudi 16 et vendredi 17 juin 2011
Dans le cadre du
Festival Impatience

Le Cent Quatre
104 rue d’Aubervilliers, 75019 Paris
www.104.fr

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