Critique d’Ottavia Locchi –

C’est l’histoire d’un homo qui devient hétéro.

Ou plutôt non, ce n’est pas vraiment ça. C’est l’histoire de François, homosexuel intégré, qui… Qui quoi ? Voyons, il fait bien quelque chose, pendant une heure sur scène… Il parle, certes, mais de quoi ? De sa vie, ses rencontres, son mec, son coup de cœur féminin, son pays, sa situation sociale, ses petites fêlures psychologiques… de lui finalement.
Voilà, j’ai trouvé, c’est l’histoire d’un mec qui parle de lui. Et c’est top !

Tout au long de cette longue confidence, François nous raconte plusieurs épisodes de sa vie, centrés sur son coup de cœur pour sa conseillère Pôle emploi alors qu’il est casé avec Claude depuis plusieurs années. Au-delà de la réaction de son entourage, c’est son entourage directement que nous rencontrons, à travers les multiples interprétations du comédien seul en scène.

© Fabian Sbarro | Mano | DR

Un portrait acide pour une performance multiple

Yann Mercanton, à la tête de l’Odieuse Compagnie, enfile toutes les casquettes pour ce spectacle : auteur, metteur en scène, scénographe et interprète, on peut dire que tout repose sur lui. Ce petit bout d’homme monté sur pile électrique présente un spectacle pas si loin du « one man show ». Les situations cocasses dans lesquelles il se retrouve ne manquent pas de piquant, et chaque portrait qu’il dresse en prend pour son grade !
Au delà du conditionnement de l’homosexuel, c’est toute la sexualité dans notre société qui est traitée. Le rapport aux femmes, aux hommes, aux homosexuels, bisexuels et hétérosexuels, et plus loin au statut social, à l’emploi, voire à la Suisse (oui, François est suisse, et il en parle mieux que quiconque…). Bref, des remarques grinçantes et des portraits au vitriol, à le voir nous aurions tous à revoir notre copie.

Yann Mercanton est-il humain ??

L’auteur/metteur/acteur signe un texte rempli de justesse, et fait preuve d’un sens de l’observation aiguisé. Quoi de plus juste qu’un homosexuel suisse au chômage qui est en passe de devenir hétéro ? Ses personnages sont caricaturaux à souhait, ses réflexions sont poussées à l’extrême, et ses rencontres sont folkloriques… Tout pour nous emmener dans l’univers paumé de François, 35 ans, qui comme beaucoup a des soucis avec sa maman.
Quelle énergie ! Quelle force ! Quelle vitalité ! La question que nous nous posons en sortant de la représentation est : Quand respire-t-il ? En scène, nous avons droit à une performance digne d’un numéro de transformiste. À la seconde, il fait apparaître une vingtaine de personnages, tous plus fous les uns que les autres. Alors, Yann Mercanton est-il un artiste génialement doué et doté d’une énergie peu commune, ou un mutant sorti d’une planète sous Red-bull ?
Car, rappelons-le, le comédien défend également un autre spectacle tous les soirs dans le même théâtre ⁽¹⁾.

Personnages en furie, questionnements judicieux, observations à tendances subversives, scènes qui s’enchaînent dans un rythme fou, une scénographie simple, surprenante et efficace… À ceux qui n’ont pas peur de se prendre une tornade dans la figure, ce spectacle est pour vous !

1. Les Petites Fêlures de Claude Bourgeyx » voir l’article

Hétéro-Kit
Texte, mise en scène, décors et interprétation : Yann Mercanton
Lumières : Gabriel Haenni
Costumes : Coralie Chauvin

Du 21 août au 30 octobre 2011
Les dimanches à 18h00

Théâtre les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs, Paris 1e – Réservations 0892 70 12 28 (0,34€/min)
www.lesdechargeurs.fr

www.lodieusecompagnie.com

Be Sociable, Share!

•