Critiques // Critique • « Les Petites Fêlures » de Claude Bourgeyx par Yann Mercanton aux Déchargeurs

Critique • « Les Petites Fêlures » de Claude Bourgeyx par Yann Mercanton aux Déchargeurs

Août 22, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Les Petites Fêlures » de Claude Bourgeyx par Yann Mercanton aux Déchargeurs

Critique d’Ottavia Locchi

Complètement fêlé !

Il est là, en scène, et ses habits ne rassurent pas sur son état mental : des babybels sur les épaulettes de son long manteau (qui lui-même cache une robe rouge) et son casque d’aviateur surmonté de lunettes de plongée démontrent de son état « fêlé » sans qu’il ait encore ouvert la bouche.
Et puis, son monologue commence. Et là, Yann Mercanton donne une vie impressionnante à cet adjudant à la retraite. Doté d’une énergie peu commune, il nous entraîne dans le quotidien farfelu du bonhomme.
Nous faisons ainsi connaissance des personnages qui envahissent sa route sans crier gare : Mme Werner, sa gouvernante auto-introduite aux mœurs douteuses, son chauffeur Fernand un tantinet psychopathe, une demoiselle du téléphone insistante ou encore une dame au « sourire d’horloge » arborant un poignard entre les omoplates… Nous le suivons dans ses péripéties, imaginons son appartement, dormons avec lui à l’hôpital, nous incrustons à un mariage sans invitation et nous faisons rincer dans un lavage automatique pour voiture. Rien que ça !

© Ifou | Le Pôle Média

« Sans matraque, on se sent un peu démuni quand il s’agit de faire valoir ses arguments. »

Quelle joie de pénétrer l’univers farfelu de Claude Bourgeyx, à travers des extrais de son œuvre « Les Petites Fêlures ». Yann Mercanton donne vie au personnage central en mettant le texte de l’auteur tellement en valeur qu’il nous vient immédiatement l’envie d’acheter le recueil de 40 textes en sortant de la représentation ! Le comédien et metteur en scène n’en a choisi “que” 16 parmi la multitude de perles vécues par l’ex-militaire.

Le fond et la forme, une pièce à fond la forme !

Dans ce personnage qui nous parle, ce « je » personnifié, l’auteur y met notre part d’inavouable à tous : « C’est vous autant que moi, mais cela, il ne faut pas l’ébruiter, car on nous prendrait pour des fous ». D’apparence futile voire inintéressante, ces tranches de vie racontées avec une pointe d’étonnement et beaucoup de passion parleraient du côté sombre de nous-mêmes…
Et pourquoi pas ? La force de ce texte si savoureux est qu’au fond, il y a autant de degrés d’interprétation que nous sommes d’êtres doués de raisonnement sur terre ! L’air de rien, l’auteur y glisse quelques phrases exquises non dénuées de réflexions, parfois entre stupidité et subtilité. « Les mouches à bœufs rêvent forcément d’un monde meilleur », oui, forcément…

© Ifou | Le Pôle Média

Dans son interprétation si personnelle, le comédien ne dissimule pas son plaisir de porter cet hurluberlu avec de la précision, de l’humour et une bonne dose d’énergie communicatrice.
Point supplémentaire non négligeable : le génial Yann Mercanton réussit un tour de force en interprétant un personnage maître de son espace, de son corps et de sa scénographie. Une corde à linge avec une photo de Naomi Campbell suspendue négligemment, un fauteuil, une table accessoirisée, des morceaux de journaux déchirés et une lampe servant aux contres-jours (postillonnants) ou aux portraits (éclairés de travers) nous apportent une dimension scénique inattendue. La faute au comédien-scénographe, qui sait s’en servir avec intelligence !

La rythmique du texte et de l’action est ponctuée par de la musique ajustée au poil. La guitare de David Doyon et le trombone d’Andrea Esperti savent être à la fois bizarre et entraînants, et ils arrivent à nous faire attérir malgré nous dans un ascenseur ou dans un avion au décollage.

Une pièce en vrac, imprévisible, et surtout bourrée à craquer du talent de l’adaptateur / metteur en scène / scénographe / comédien Yann Mercanton.

Les Petites Fêlures
Texte : Claude Bourgeyx (Ed. Le Castor Astral)
Adaptation, mise en scène, décors, costume, interprétation : Yann Mercanton
Lumières : Gail Menzi
Musique additionnelle : David Doyon (guitariste) et Andrea Esperti (tromboniste)

Du 16 août au 29 octobre 2011
Du mardi au samedi à 20h15

Théâtre les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs, Paris 1e – Réservations 0892 70 12 28 (0,34€/min)
www.lesdechargeurs.fr

www.lodieusecompagnie.com

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