À l'affiche, Critiques // Funeral blues, the missing cabaret, musique de Benjamin Britten, texte de Wystan Hugh Auden, mise en scène d’Olivier Fredj, Théâtre des Bouffes du Nord

Funeral blues, the missing cabaret, musique de Benjamin Britten, texte de Wystan Hugh Auden, mise en scène d’Olivier Fredj, Théâtre des Bouffes du Nord

Avr 25, 2019 | Commentaires fermés sur Funeral blues, the missing cabaret, musique de Benjamin Britten, texte de Wystan Hugh Auden, mise en scène d’Olivier Fredj, Théâtre des Bouffes du Nord

 

 © Bohumil Kostohryz

 

ƒ article de Denis Sanglard

Dans un vestiaire masculin anglais, décidemment les clichés homoérotiques ont la vie très dure, le compositeur Benjamin Britten et le poète Wystan Hugh Auden engage un étrange pas de deux amoureux. Un je-t’aime-moi-non-plus, joué et chanté, entre Britten effrayé par son propre désir et Auden n’en pouvant plus de tant de résistance et de réticence dans l’affirmation de soi et du désir. Britten en donzelle effarouchée et Auden séducteur insistant et provocateur, il fallait oser. Et pendant ce temps dans la pièce à côté, ô solitude, une jeune artiste burlesque, personnage inspiré de Gypsy Rose Lee,  ayant pour seuls compagnons un poisson rouge, un piano et un téléphone, répète inlassablement la première scène de ce qui devrait bientôt être son numéro de cabaret. Britten et Auden ont vraiment collaboré ensemble. Admiration réciproque et féconde avant que ne s’étiole leur amitié qui sans doute, extrapole Olivier Fredj, fut amoureuse. Au poème, à l’écriture concise et précise, cinglante, d’Auden répond la musique délicate de Britten. Dialogue traversé par le manque, la frustration d’un amour par force platonique que peine à dissimuler, et ne semble pas le vouloir, la poésie d’Auden et le jazz mélancolique, peu connu, de Britten. C’est autour de cette quête amoureuse et de son échec programmé, de la solitude qui en advient et les renvoient de fait dos à dos en dépit de leur collaboration qui perdura au-delà de leur rupture consentie, des non-dits et des sous-entendus, qu’Olivier Fredj bâtit sa mise en scène avec pour échos les textes de la période des années trente, année londonienne avant leur départ pour l’Amérique, qui vit les deux hommes travailler au plus près l’un de l’autre. Mais alors que la musique swingue et que les textes claquent comment expliquer sinon par le rythme singulier de la mise en scène que peu à peu l’ennui grignote l’ensemble et que cette création finit comme leur amitié par s’étioler ? De bonnes idées certes, des fulgurances parfois, mais un rythme qui cahote et peine à s’installer. Que les interventions de Gipsy Rose Lee, trop sage pour une artiste de burlesque, en contrepoint de cette amitié particulière, ne suffisent pas à relancer et même plombent davantage l’ensemble. Mais Cathy Krier à qui revient ce rôle est une excellente pianiste… Et l’incarnation vocale de Laurent Naouri, Britten, est parfaite. Le couple dysfonctionnel qu’il forme avec le magnétique et impeccable Richard Clothier, Auden, tient la route. Mais, étrange paradoxe, manque de chair. La chair est triste, hélas. Le désir qui les tient, tendu et ténu, ne prend pas ou difficilement. Il y a quelque chose d’étrangement artificiel qui effrite le rapport entre ces deux hommes. Nous n’y croyons pas ou peu. C’est seulement quand ils ne sont plus en présence l’un de l’autre, face à l’absence, que surgit alors la cristallisation de leur désir, cœur battant de cette mise en scène, qu’enfin s’ébauche une réalité à laquelle on peut être sensible. Par la grâce toujours de la subtile musique de Britten et des textes de Auden qui se répondant innervent l’ensemble. Concernant ce dernier c’est une véritable redécouverte et un bonheur d’entendre de nouveau cette poésie âpre, ironique, cruelle et fortement engagée, sans pudeur dans l’expression nue du désir homosexuel.

 

© Bohumil Kostohryz

 

Funeral blues, the missing cabaret

Texte de Wystan Hugh Auden

Musique Benjamin Britten

Mise en scène Olivier Fredj

Scénographie Philippine Ordinaire

Costumes Frédéric Llinarès

Lumières Nathalie Perrier

Avec Richard Clothier, Laurent Naouri, Cathy Krier

 

Du 24 au 27 avril à 20h30

 

Théâtre des Bouffes du Nord

37bis boulevard de la Chapelle

75010 Paris

 

Réservation 01 46 07 34 50

www.bouffesdunord.com

 

 

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