Critiques // Critique • « Les Souffrances de Job » de Hanokh Levin à l’Odéon, Ateliers Berthier

Critique • « Les Souffrances de Job » de Hanokh Levin à l’Odéon, Ateliers Berthier

Jan 23, 2012 | 3 commentaires sur Critique • « Les Souffrances de Job » de Hanokh Levin à l’Odéon, Ateliers Berthier

Critique de Dashiell Donello

Au début de l’histoire, Job est un homme riche et pieux, mais il n’étudie pas sa foi comme il le devrait, ce n’est pas un philosophe, et ne peut rien attendre de la providence. Il est simplement reconnaissant et loue Dieu de ses bienfaits.

Quand la bible nous livre la poésie tragique du Livre de Job, elle nous dit : « Réfléchissez à ce qu’est la souffrance d’être au monde. Riche ou pauvre. Bon ou mauvais ». L’auteur israélien Hanokh Levin (1943-1999), en écrivant sa pièce « Les souffrances de Job », a mis l’universelle légende, sur le théâtre du monde, avec pour acteur la probité d’un homme, qui va tout perdre sur le pari que Satan fait à Dieu.

© Gérard Llabres

« Le livre de Job » est un combat permanent entre les demandes attristées de Job et les différentes écoles de raisonnements de ses amis. L’un dit à Job que l’on se doit d’examiner sa religion, l’autre a une pensée différente quant à Dieu et la providence : la conception classique que la vertu est récompensée par Dieu. Job lui, répond que Dieu détruit les innocents avec les coupables. Est-ce de là que vient sa faute ?
Ses amis, plus philosophes, ne regardent pas le cas de Job en particulier, mais le cas en général. Ce qui fait dispute, car le général ne peut aboutir qu’à des généralités. Job veut parler et plaider sa cause devant Dieu. Les amis sont offusqués des paroles de Job: ils sont persuadés qu’il n’est pas possible de parler avec un Dieu inaccessible. Car sa loi est la Loi. Pourtant Levin fait dire à Job que s’il est de ce monde, Dieu ne peut y être. Qu’il n’y a rien d’autre dans la souffrance que de la souffrance. Job serait-il l’incarnation du combat entre la raison et la foi en un Dieu intime ?
Dieu ne puni pas Job pour autant, mais l’abandonne à Satan à condition qu’il l’épargne corps et âme. La pièce de Levin « Les souffrance de Job » vient de sa période : pièces mythologiques. Il écrit sa version en suivant le chemin biblique. Hanokh Levin nous incite à étudier (ce qui est une belle tradition hébraïque) ce texte avec un regard sur le festin du monde qui ne laisse que le vomi à ceux qui souffrent de la faim. S’il empale son héros c’est pour mieux nous signifier que l’apparence ne peut avoir la clef d’un début de solution qu’en la cherchant de l’intérieur.

Il est dommageable que la mise en scène de Laurent Brethome n’ait pas suivit la réflexion de l’auteur et ne traite pas sa pièce sur le fond. La forme, sans rayonnement, ni résonance, ne peut qu’aboutir qu’à un théâtre bourgeois ou esthétisant. Ce n’est pas en encombrant la scène de bouteilles vides, ou en peinturlurant des corps, que l’on représente l’universelle écho de l’éternelle question : de l’existence de Dieu. Si on ne peut y répondre on peut dire qu’il Est, mais n’existe pas, car le problème de la souffrance nous ramène à Nietzsche (1844-1900) qu’il résume par la formule : Dionysos contre le Crucifié. Dans la pièce de Hanokh Levin Dionysos contre l’empalé. Cette recherche sur le fond nous donne tout le chemin de la réalité de Job contre la mort d’un Dieu Nietzschéen. La Thora nous dit que la clef de l’invisible est dans les mots. Or, nous avons vu l’apparence des mots. Heureusement le texte nous parvient par une bonne distribution, à la fois chœur tragique et bruiteur céleste, guidé par le coryphée Philippe Sire qui est étonnant dans le rôle de Job.

Les Souffrances de Job
Prix du Public du festival Impatience, 2010
De : Hanokh Levin
Texte français : Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz
Mise en scène : Laurent Brethome
Avec : Fabien Albanese, Lise Chevalier, Antoine Herniotte, Pauline Huruguen, François Jaulin, Denis Lejeune, Geoffroy Pouchot-Rouge-Blanc, Anne Rauturier, Yaacov Salah, Philippe Sire
Dramaturgie : Daniel Hanivel
Scénographie & costumes : Steen Halbro
Lumière : David Debrinay assisté de Rosemonde Arrambourg
Musique : Sébastien Jaudon
Paysage sonore : Antoine Herniotte
Décorateur : Gabriel Burnod
Chorégraphie : Yan Raballand

Du 19 au 28 janvier 2012
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h

Odéon – Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier

1 rue André Suarès / 14 boulevard Berthier, Paris 17e
Métro Porte de Clichy – Réservations 01 44 85 40 19
www.theatre-odeon.fr


Voir aussi :
L’article de Bruno Deslot

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