Critique de Dashiell Donello –
Le théâtre de l’Athénée a le vent en poupe, après « La Dernière bande » (1) magnifiée par Robert Wilson fin 2011, voici en ce début d’année 2012, « Les bonnes » de Jean Genet (1910-1986) présentées sur un plateau ritualisé par un Jacques Vincey inspiré.
Des chiens écrasés à l’art
Dans le feu du crime et de la honte. Des monstres de la servitude involontaire. Une pluie de fleurs dans une saison de haine et d’amour, mi-ange mi-démon matinée de jalousie et d’admiration.
Des transformistes d’homicide mués de l’envie. Un conte. Une cérémonie dans la réflexion d’un miroir du dominant identifié à la condition de princesse et du dominé ganté de domestication. La traque et la perte de la proie qui apparaît d’une vapeur de robe et disparaît dans le tulle blanc, et ne sait pas à quel point sa vie ne tenait qu’aux fils de sa toilette.
© Anne Gayan
L’arme du crime est dans la scénographie même (Laurent P. Berger), terrible manège prédateur manipulé par le fatum des chiens écrasés et la condition asservie du valet à son maître. Tout est ouvert dans cet espace où le regard met en scène la mise à nu de l’auteur dans un prologue qui nous dit comment jouer « Les bonnes ». Le théâtre de Genet fait avec la crasse puisqu’elle est perfectible, alors que ce qui est beau est achevé et n’a nul besoin de progrès. « Les actrices sont donc priées, comme disent les grecs, de ne pas poser leur con sur la table. » Genet est l’agile vainqueur du vent. Il n’envoie pas dire ses vérités par un réalisme qui ne serait pas le masque véridique de la folie. La médiocrité est partout autant chez Madame que chez les bonnes. Madame joue Madame et ne sait pas qu’on se joue d’elle. Solange joue Madame et ne sait pas que Claire se joue de Solange et ne joue plus quand la mort apparaît.
Quant au jeu parlons-en, Hélène Alexandridis est une Solange rêvé par le Fellini de « La Strada », un bonheur ! Myrto Procopiou est une Claire vestale venimeuse qui nous fait boire jusqu’à la lie son talent et Marilù Marini sera une grande Madame, nous n’en doutons pas, quand elle trouvera la bonne nuance dans la caricature comme le souhaitait Jean Genet.
Voilà la belle proposition du metteur en scène Jacques Vincey qui a harmonieusement joué de la diversité et de l’imaginaire du grand dramaturge Jean Genet.
____________________
- Krapp’s Last Tape de Samuel Beckett au Théâtre de l’Athénée, 2011 » voir l’article
Les Bonnes
Texte : Jean Genet
Mise en scène : Jacques Vincey
Avec : Hélène Alexandridis, Marilù Marini, Myrto Procopiou et la participation de Vanasay Khamphommala
Collaboration artistique : Paillette
Scénographie, costumes et maquillages : Pierre-André Weitz
Lumières : Bertrand Killy
Musique et son : Frédéric Minière et Alexandre Meyer
Assistante aux costumes : Nathalie Bègue
Assistant à la mise en scène : Vanasay Khamphommala
Construction du décor : Fabienne Killy, Bertrand Killy et Florent GallierDu 13 janvier au 4 février 2012
Le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h
Matinées exceptionnelles : dimanche 22 janvier à 16h et samedi 4 février à 15hAthénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, Paris 9e
M° Opéra, Havre-Caumartin — Réservations 01 53 05 19 19
www.athenee-theatre.com