ƒƒ Critique Camille Hazard

Pour le troisième volet de sa trilogie, Gabriel Calderón renoue avec la famille, la question de l’identité et du secret…

La radicalité du propos puise sa force dans le langage et les nœuds tortueux de la pièce.

Elle court, elle court la parole

Ana porte en elle, le poids des questions demeurées sans réponse concernant sa famille; les morts, les rivalités, les liens cachés…Autant d’éléments qui devraient la constituer en tant que personne et nécessaires pour se projeter dans un futur.

Un soir de Noël, elle organise une réunion de famille un peu spéciale; les morts reviennent pour, espère-t-elle, apporter des réponses.

Mais il arrive parfois que le temps n’apaise en rien les douleurs et que les mots peinent à calmer ceux qui désirent savoir…

Calderón étire les situations et les personnages jusqu’au tournis. Il y a d’abord la langue du texte débitée, matraquée laissant à peine une bulle d’oxygène s’échapper de temps en temps de la scène ! Et puis les corps des comédiens qui s’affolent et brassent l’air comme des insectes tombés dans l’eau par inadvertance. Tout ce bruit pour Rien. A la fin de la pièce, lorsque les morts retrouvent leur place de mort, Ana, elle, reste seule avec ses questions, à peine éclairée par un sapin plastique de pacotille.

Si dès le début nous prenons parti pour son désir incandescent de faire jaillir la vérité, nous sommes vite face à un constat d’échec déchirant: à force de vouloir fouiller le passé pour tenter d’appréhender le futur, notre présent défile et nous glisse entre les doigts. Et en vivant pleinement le présent, nous pansons certaines plaies profondes qui permettront qu’un futur se mette en place.

 © DR

« L’histoire d’une personne est l’histoire de tous. »

Cette fois, Adel Hakim laisse les rênes de la mise en scène à l’auteur. La scène, pareille à un volcan en irruption, porte des comédiens d’une puissance de jeu étourdissante!

Les protagonistes n’hésitent pas à jouer de dos, nous confiant ainsi, le rôle de témoins, de scientifiques analysant les tréfonds de cette famille.

Petit à petit, la cartographie familiale se dessine, grâce à des flashback imposés par un « narrateur ». Celui-ci interrompt les scènes du présent, rembobine le temps et donne à voir certains moments clés de la famille qui resteront à jamais fermés pour Ana. Ces bonds temporels sont extrêmement maîtrisés par les acteurs et les jeux de lumière.

Radical Calderón referme son triptyque par un coup de poing.

On espère le revoir très prochainement en France!

Ex, que crèvent les protagonistes
Texte et mise en scène de Gabriel Calderón
Assistance à la mise en scène Mariana Geisinger, Igniacio Fumero
Scénographie et lumière Pablo Caballero
Costumes Pablo Auliso
Surtitrages Maryse Aubert, Adel Hakim
Réalisation surtitres Mathieu Mullot
Avec Dahiana Méndez, Alfonso Tort, Marisa Bentancur, Diego Artucio, Gustavo Soffores, Natalia Acosta, Ramiro Perdomo

Jusqu’ au 21 avril 2013 à 20h – Dimanche 16h

Théâtre des Quartiers d’Ivry
69 Av. Danielle Casanova – 94200 Ivry
M° Mairie d’Ivry
Réservations au 01 43 90 11 11

www.theatre-quartiers-ivry.com

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