Critiques // « Comédies tragiques » de Catherine Anne au Théâtre de l’Est Parisien

« Comédies tragiques » de Catherine Anne au Théâtre de l’Est Parisien

Juin 12, 2011 | Aucun commentaire sur « Comédies tragiques » de Catherine Anne au Théâtre de l’Est Parisien

Critique de Rachelle Dhéry

« Peut-on rester simples spectateurs aujourd’hui ? »

Des petites tragédies modernes : parce que « c’est la crise »

L’histoire transporte le public dans les tracas plus ou moins importants, anecdotiques, dérisoires ou dérangeants du quotidien de l’homme (au sens large) moderne, vivant au cœur de la société française. De nombreux thèmes sont ainsi abordés avec ironie, dérision, grincement, courage, amertume, poésie ou humour, grâce à 32 personnages, interprétés malicieusement par les quatre comédiens de la compagnie. C’est ainsi que l’on assiste tour à tour aux « joies » de l’administration, notamment pôle emploi, aux dérives du chômage, aux difficultés de l’accès à l’emploi, au renversement du couple lorsque la femme travaille, à la détérioration des conditions du travail d’acteur, à la suppression des postes pour plus de productivité, à l’essoufflement des rapports humains, aux violences à l’école et à la présence de la police en milieu scolaire, ou tout simplement, comme ils aiment à le répéter, à la crise…

© Bellamy

Sur les pancartes des trois manifestants, on peut lire entre autres « Être vivant, attention fragile ». La couleur est donnée.

La scénographie est plutôt réussie avec ses colonnes de Buren en avant-scène, son faux-rideau de théâtre et ses immeubles modernes peints en fond de scène. Les fenêtres des immeubles s’allument et s’éteignent de manière aléatoire à  l’instar des films et séries américaines. Et de manière générale, les lumières de Stéphanie Daniel sont belles et utilisées à bon escient. Les sons de Madame Miniature sont efficaces et adéquats. En bref, il n’y a pas une seule note superflue. Ici, on applique à loisir la méthode brechtienne : à certains moments, le quatrième mur est détruit comme au début où le public se trouve enrôlé sans le vouloir dans une manifestation burlesque, qui a lieu au Grand Théâtre.

« On vous emploie pour détruire votre propre emploi » (à la Poste)

Une pièce chorale qui met la poésie à l’honneur.

Proche du Fantôme de la liberté film surréaliste de Luis Buñuel, ou de Magnolia, film choral de Paul Thomas Anderson, la pièce est construite sur des bouts de séquences introduites par un personnage, fil conducteur entre deux scènes. Le lien est dans l’humain, c’est lui qui induit l’espace et le temps. Chaque transition est marquée par la poésie d’un unique personnage (en voix-off pour la plupart), reflétant ainsi symboliquement la pesante solitude des êtres dans la société. Pour changer de personnages, les comédiens, en véritables caméléons, n’hésitent pas à enfiler costumes, perruques et accessoires originaux, décrispant souvent nos zygomatiques. Parfois frôlant le comique du sketch, on peut même ressentir le fantôme de la troupe du Splendid ! Mais le message intrinsèque de la pièce est surtout de démontrer la tragi-comédie de notre quotidien, et qu’il existe un moyen simple d’échapper à toute cette pression : par la poésie.

Concernant la présence policière à l’école « Sommes-nous en guerre ? »

© Bellamy

Le rendez-vous est pris, retrouvons-nous dans 100 ans.

Ces petites tragédies modernes s’inscrivent dans une volonté de témoigner du quotidien des français en 2011. Pour savoir si l’œuvre de Catherine Anne atteindra son objectif, rendez-vous dans 100 ans. Mais en attendant, vous pouvez rire de vous-mêmes ou de nous tous au théâtre de l’Est, et ce jusqu’au 25 juin. N’attendez pas trop, l’auteure et metteuse en scène signe là sa dernière création au Théâtre de l’Est Parisien, en tant que directrice, après y avoir investi corps et âme durant neuf saisons …

« Vous avez des droits mais aussi des devoirs » (au Pôle emploi)

Comédies Tragiques
De et mise en scène : Catherine Anne
Avec : Thierry Belnet, Fabienne Lucchetti, Damien Robert, Stéphanie Rongeot
Scénographie et costumes : Ségolène de Chassigny assistée de Marion Rinaudo et Johanna Lavorel
Masques : Laurence Berodot
Lumière : Stéphanie Daniel
Son : Madame Miniature
Assistante à la mise en scène : Florence Tosi

Du 7 au 25 juin 2011

Théâtre de l’Est Parisien
159 avenue Gambetta, 75020 Paris
www.theatre-estparisien.net

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.