Critiques // Critique • « Can we talk about this ? » conçu et dirigé par Lloyd Newson au Théâtre de la Ville

Critique • « Can we talk about this ? » conçu et dirigé par Lloyd Newson au Théâtre de la Ville

Oct 07, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Can we talk about this ? » conçu et dirigé par Lloyd Newson au Théâtre de la Ville

Critique de Camille Hazard

L’avant dernier spectacle du chorégraphe de DV8 Lloyd Newson To be straight with you (2007), posait la question de l’attitude des religions face à l’homosexualité. De ce spectacle et de différentes recherches, sont nés de nouveaux questionnements : Peut-on encore parler de liberté de paroles, quelles sont les conséquences de l’autocensure, pourquoi faut-il briser la loi du silence qui règne au sein de communautés religieuses enfin, quelles sont les répercutions d’un modèle multiculturel?

© Matt Nettheim

Arrivé d’Australie dans les années 80, L. Newson est témoin du multiculturalisme galopant qui s’étire en Angleterre, de la célébration par le parti travailliste au pouvoir (James Callaghan) de la différence ethnique, religieuse et culturelle. Les fêtes et les écoles religieuses sont encouragées. Emouvante initiative ! Mais comment faire face à la montée de l’intégrisme dans certaines familles, certaine écoles ou quartiers ? A l’intérieur de ce rêve multiculturel, des femmes et des hommes sont menacés, frappés, tués.
La règle d’or du silence devient une loi inviolable. La peur de dénoncer certaines pratiques ou idéologies islamistes par crainte d’être taxé de raciste, la peur toujours de dénoncer ces atteintes à la liberté et à la vie par peur de représailles au sein de sa propre famille… Dans tous les cas, il est plus facile et rassurant de se taire…
Parfois, de petites voix s’élèvent  et nous font signe qu’il y a danger. Ces voix alors subissent des pressions venant de groupes religieux qui défendent leurs intérêts, parfois même sont tués et torturés.

C’est à travers des discours, des interviews et des reportages de ces victimes de l’intolérance que le directeur de la compagnie DV8 L. Newson et ses 11 danseurs/comédiens ont échafaudé ce spectacle.

Can we talk about this reprend les derniers mots qu’aurait lancé à son meurtrier islamique, avant de mourir, le réalisateur du film Soumissions Théo Van Gogh. Tout au long du spectacle, artistes, politiques, intellectuels, prêtent leur voix aux danseurs sur scène, reprenant vie une dernière fois avec l’ultime volonté de dénoncer et de convaincre.

© Stephen Berkeley-White

Un ancien hall d’établissement scolaire décrépi, accueil ses voix et ses corps : lieu de confrontations, d’interventions ou chacun est libre de penser et de s’exprimer.
Le spectacle se construit sous forme de tableaux « Documentaires », où s’imbriquent mouvements chorégraphiés, actualités vidéos et témoignages de victimes insurgées. Les successions d’allocutions nous parviennent comme un matraquage bien orchestré avec une volonté clair de choquer et d’interpeller.
Tout en s’appropriant ces témoignages, les corps se lancent dans des mouvements de danse qui retranscrivent leurs pensées ou y ajoute un sens plus aigu: gesticulation obsessionnelle de culbuto lorsque les institutions publiques prennent la parole, duo de danse fuyante et macabre pour exprimer malaise et fragilité des victimes…
Mais les sens visuels nous parviennent sans toutefois nous ébranler, tout semble quelque peu rébarbatif…A cela il faut ajouter que les sous-titres en français et la vitesse des phrases débitées ne nous laissent que peu de temps pour quitter des yeux le prompteur…

L’engagement de L. Newson est clair : Dénoncer les actes barbares des religions c’est être pour la liberté et la démocratie, se taire et demeurer dans l’inertie relève du racisme… sur ce point, nous sommes d’accord mais pourquoi ne pas partir de ce postulat pour mettre en scène un spectacle qui irait plus loin dans le débat ? Pourquoi ne pas tendre vers une réflexion sur les causes même de cette tyrannie et de cet intégrisme ? Comment le combattre si nous n’en comprenons pas les causes, les buts ? Bien sûr nous devons dénoncer, se révolter contre ces actes d’intolérance et ne pas se soumettre à la terreur mais c’est un peu soigner la plaie sans guérir le mal…La France connaît moins ce problème de multiculturalisme grâce à notre choix inaliénable de laïcité. Et pourtant ! L’intégrisme tend à se répandre dans notre pays où la sécurité policière est pourtant un sport national ! Il n’y a qu’à lire l’enquête inquiétante du politologue Gilles Kepel sur le poids de l’islam en Banlieue dans laquelle on s’aperçoit que la croyance religieuse a pris le dessus sur la croyance républicaine, que certaines de nos familles, de nos enfants, vivent sous des lois de terreur et que pour eux le mot démocratie ne résonne qu’en un lointain écho…
Savoir, dénoncer, interdire comme nous le faisons chez nous, ne serait alors pas suffisant… ?

Can we talk about this ?
Conception et Direction
: Lloyd Newson
Assistant à la direction
: Elizabeth Mischler
Décors et costumes
: Anna Fleischle
Lumières
: Beky Stoddart
Artiste vidéo
: Tim Reid
Chorégraphie
: Lloyd Newson
Avec les danseurs
: Ankur Bahl, Joy Constantinides, Lee Davern, Kim-Jomi Fischer, Hannes Langolf, Samir M’Kirech, Christina May, Seeta Patel

Du 28 septembre au 6 octobre 2011
Tous les jours à 20h30, samedi 1er octobre à 15h30 et 20h30

Théâtre de la Ville
2 Place du châtelet, Paris 1e
Métro Châtelet – Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

Site de la Compagnie DV8 : www.dv8.co.uk

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