Critique de Camille Hazard –

Anna, un combat !

Anna Politkovskaïa fut assassinée le 7 octobre 2006 en plein centre de Moscou, dans sa cage d’escalier. Le même jour, on fêtait l’anniversaire du président Vladimir Poutine. La cause de ce meurtre : l’obstination, la nécessité qu’avait cette journaliste du « novaïa Gazeta » de faire éclater au grand jour les corruptions du pouvoir, la violation des droits de l’homme en Tchétchénie, la politique désastreuse et violente de Poutine… Enfin, une femme qui se battait pour la liberté, la dignité et la paix. « Il ne s’agit pas de vénérer la tombe de la journaliste morte, mais d’entretenir le feu de son combat vivant ».

La pièce relate des évènements, des rencontres, des moments engagés de la vie d’Anna Politkovskaïa : un entretien avec un soldat russe qui revient de Tchétchénie et qui n’hésite pas à avouer que les militaires ont un cota de civils à tuer chaque jour, la prise d’otages du théâtre de la rue Melnikov en 2002 à Moscou où elle participait aux négociations, la prise d’otages de l’école de Beslan en 2004 puis son empoisonnement dans l’avion qui la ramenait, plusieurs enquêtes sur les exactions en Tchétchénie…>

Un engagement sans concessions !

La forme de ce spectacle a été minimalisée au maximum : l’espace est nu, sans décor, les tragiques évènements ne nous sont confiés qu’au travers du jeu éloquent de Mireille Perrier.
Elle traverse les différents lieux, dialoguent avec maintes personnes dans un jeu presque toujours frontal avec le public, sous forme de récits, de discours, de témoignages.

Les lumières délimitent des espaces, le fond sonore parfois assourdissant nous plonge dans l’enfer de la guerre, des combats, de la violence : coups de feu, mitraillettes, cris, bombes, explosions, puis le silence…Ce profond silence qui signifie que tout est fini, que tout est bien mort. La voix d’Anna Politkovskaïa s’élève alors et nous montre toute sa détermination à continuer son combat, mais aussi sa faiblesse devant tant de violence, devant le pouvoir dictatorial du gouvernement russe que rien ne semble pouvoir ébranler.

Le jeu de la comédienne Mireille Perrier est d’une très grande sensibilité, souvent intériorisé pour ne pas tomber dans la démonstration de sentiments.  Cependant, on regrette parfois, le manque de ruptures dans le jeu, où la colère laisserait place à de la frustration, de l’effroi, de l’impuissance, de façon plus marquée. Mais la pièce demeure pleine de tact, de moments poétiques et tragiques.

Le spectacle est suivi (après chaque représentation) d’un débat avec la comédienne et plusieurs intervenants (journalistes, écrivains, metteurs en scène engagés, avocats…). Les spectateurs auront ainsi la possibilité, après avoir entendu les témoignages poignants d’Anna Politkovskaïa de faire partager à leur tour leurs opinions, leurs indignations, leurs interrogations…Un vrai échange.

Anna Politkovskaïa : Non rééducable
D’après : Stefano Massini
Adaptation et jeu : Mireille Perrier
Conseillers artistiques : Jean-Charles Dumay, Michèle Guigon
Conseiller chorégraphe : Adrien Dantou
Création lumières : Ishrann Silgidjian
Création sonore : Angelo Nizard
Conception costume : Laure Jeger

Du 23 avril au 12 mai 2010
Les représentations seront suivies d’une rencontre avec Mireille Perrier et des invités (journalistes, avocats, écrivains…) pour tenter de répondre à l’engagement d’Anna Politkovskaia.

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75 011 Paris
www.maisondesmetallos.org

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