Critiques // « Ali Baba ou les Quarante Voleurs » d’après l’opéra de Cherubini à l’Athénée

« Ali Baba ou les Quarante Voleurs » d’après l’opéra de Cherubini à l’Athénée

Mai 02, 2011 | Aucun commentaire sur « Ali Baba ou les Quarante Voleurs » d’après l’opéra de Cherubini à l’Athénée

Critique de Rachelle Dhéry

Chaque saison, l’Opéra National du Rhin consacre, dans le cadre de sa programmation jeune public, un opéra à destination des enfants. Cette saison, il a choisi de réadapter cet opéra, d’après Cherubini, composé en 1883 (à l’origine d’une durée de 3h) lui-même issu du célèbre conte des Mille et Une Nuits. La mise en scène de cette nouvelle production est confiée à Markus Bothe et la direction musicale à Vincent Monteil, directeur musical de l’Opéra Studio, cellule de formation lyrique de l’Opéra national du Rhin basée à Colmar.

© Alain Kaiser

« Sésame, ouvre-toi »

Pour l’histoire, Nadir est pauvre et amoureux de la belle et douce Délia, fille du riche et avare marchand de café Ali Baba (qui ressemble fort à un Harpagon version arabe). Sur son chemin, il croise la route du méchant Ours-Khan et de ses quarante voleurs, et découvre le secret de la grotte aux trésors volés. Décidant de duper les voleurs, il part réclamer la main de celle qu’il aime. Ali Baba, qui voulait marier Délia au riche Aboul-Hassan, contrôleur fiscal, finit par accepter. Mais sa cupidité le pousse à menacer Nadir de dévoiler la cachette secrète. Nadir au début silencieux, Ali Baba exile sa fille, qui se fait enlever par les quarante voleurs. Connaissant enfin le secret de la grotte, il s’y rend mais se fait prendre en flagrant délit par Ours-Khan. Au final, tout se termine bien. Les voleurs sont arrêtés, Nadir et Délia réunis, Ali Baba récupère le trésor.

Un opéra pour des enfants

L’idée est attrayante et louable : un opéra pour les enfants. Rendre plus accessible un art, désormais élitiste et bien trop méconnu du grand public. Proche de l’opérette ou du Vaudeville, l’opéra de Cherubini s’éloigne complètement du conte originel. Et par souci de plaire aux plus jeunes, Markus Bothe (metteur en scène allemand) le condense, en proposant de le moderniser. C’est pourquoi Ali Baba peut danser comme John Travolta habillé en djellaba, le méchant Ours-Khan emprunte des mimiques à Johnny Depp, dans Pirates des Caraïbes, Aboul-Hassan ressemble à un parrain de la mafia italienne et un crocodile apporte des fleurs à la belle Délia. Bref, un méli-mélo de genres, d’époques, et de personnages, composent ce spectacle.

© Alain Kaiser

Mais une mise en scène peu convaincante

Cela aurait pu engendrer un véritable petit bijou de drôlerie et une belle passerelle entre l’enfant et l’opéra. Or, certains plans sont incompréhensibles. Le sol sur lequel se meuvent les personnages, et qui se transforme parfois en grotte, grâce à la magie du théâtre, tombe à côté du sujet. L’histoire évoque tour à tour une demeure, une forêt, une rivière, or, tout ce que nous voyons est un semblant de désert. A la rigueur, peu importe normalement, puisque l’imaginaire des enfants est capable de recréer toute une panoplie de mondes. Mais ici, cela compte beaucoup. Ceux qui savent lire sont heureusement guidés par les sous-titres retranscrits sur des panneaux latéraux. Car la compréhension de l’action par le spectateur s’avère être une épreuve ardue : le langage de l’opéra n’étant pas à la portée de tous, les lieux n’existent que par la parole et par la gestuelle des protagonistes. Et même si un certain effort a été fait au niveau des costumes, cela n’est pas suffisant pour embarquer le public et faciliter la compréhension. La mise en scène et en espace est chaotique. La grotte, sur laquelle repose souvent tout l’espoir de ce conte, est décevante.

Des airs bien maîtrisés et une musique rafraîchissante

Concernant la musique, toutefois, ses airs légers sont agréables et rafraîchissants. Les musiciens de l’Ensemble Orchestral du Conservatoire de Strasbourg mettent un moment à s’harmoniser, mais finissent par offrir des mélodies assez bien maîtrisées. Les sons du xylophone et de la flûte traversière relèvent élégamment le défi de Chérubini. Pourtant, la véritable et la plus jolie des surprises s’incarne au travers des chants. Tout d’abord, la soprane Emilie Brégeon (a interprété entre autres Ernestine dans Monsieur Choufleuri, Mélanie dans Ta Bouche, Célia dans La Fedelta premiata ou Le premier Esprit dans La Flûte Enchantée…) charme aisément de sa douce voix angélique et respecte sans difficultés la gestuelle imposée à son personnage de jeune fille amoureuse, gâtée par la vie. Parfois ses vocalises atteignent les hauteurs des plus belles envolées lyriques chez Mozart. L’autre belle surprise vient des Petits Chanteurs de la Maîtrise de l’Opéra national du Rhin qui offrent des chœurs et des chants maîtrisés, frais, et rendent les quarante voleurs vraiment sympathiques.

Ali Baba ou les Quarante voleurs
Opéra pour enfants – Spectacle en français surtitré
D’après : Luigi Cherubini
Livret : Eugène Scribe et Anne Honoré Joseph Duveyrier (Mélesville)
Direction musicale : Vincent Monteil
Mise en scène : Markus Bothe
Décors : Alexandre Corazzola
Costumes : Sabine Blickenstorfer
Arrangements et orchestration : Pierre Thilloy
Avec : Yuriy Tsiple, Hanne Roos / Émilie Brégeon, Eve-Maud Hubeaux, John Pumphrey / Mark Van Arsdale, Dimitri Pkhaladze, Jean-Gabriel Saint-Martin, Mickaël Guedj et les Petits Chanteurs de la Maîtrise de l’Opéra national du Rhin et l’Ensemble orchestral du Conservatoire de Strasbourg
Production : Opéra national du Rhin – Opéra Studio I avec le soutien de la Fondation Orange
Coréalisation : Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Du 27 au 30 avril 2011

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75 009 Paris
www.athenee-theatre.com

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