Lectures // « Ylajali ». Jon Fosse. L’Arche Editeur.

« Ylajali ». Jon Fosse. L’Arche Editeur.

Déc 12, 2012 | Aucun commentaire sur « Ylajali ». Jon Fosse. L’Arche Editeur.

Lecture. « Ylajali ».  Jon Fosse. L’Arche Editeur.

ƒƒƒ Lecture de  Dashiell Donello

C’est un beau jour d’automne, un matin clair. Si seulement ce jeune homme avait de quoi manger. Deux fois la logeuse lui a demandé de payer pour la chambre. Il a bien fait de déménager. Alors il a marché dans les rues. La faim le torturait. Mais il ne peut quand même pas errer, comme ça, dans les rues, avec une couverture sur le bras.

Ce vieil homme qui mendie pour du lait, est-il prêteur sur gages ou ressemelle-t-il des chaussures ? « Ylajali vous perdez votre livre… » Pourquoi cette femme ne lui prête pas attention ? Dieu avait-il entrepris de détruire ce jeune homme aux lunettes en acier ?

Ces lettres électriques qui rayonnent dans le noir, est-ce un marin qui les a inventé ? Happolati croyez vous qu’il existe ? Et ce vieil homme ment-il comme un arracheur de dent ? Un essaim de pensées bourdonne dans la tête du jeune homme : mais ce qu’il y a de plus beau, c’est Ylajali.

Comment peut-on être comptable en ayant faim ? Rien à manger depuis des jours. Ce peintre finira-t-il ce tableau ? On ne voit que du jaune. Est-ce la vomissure du jeune homme ? Dans l’obscurité on le voit allongé sur un banc, il a froid. On entend un éternel lamento. Trop froid pour dormir dehors. Il pourrait aller chez son cher prêteur sur gage avec sa couverture. La chaleur est intense dans sa tête et ses tempes palpitent. Comment rester intègre  face aux divagations faméliques ? Si seulement il avait un peu à manger. « Dieu est stupide ! » Le jeune homme, après avoir crié au ciel, a continué de marcher, puis il s’est mis à courir. Il ne voulait plus s’arrêter. Ylajali est-ce sa faim, sa fièvre, sa mort ?

Nous sommes à l’intérieur du labyrinthe subliminal du héros. Sa faim semble le remettre au monde. Mais on pourrait aussi bien dire ses faims, car il a faim d’amour, de reconnaissance et de révolte. Sa réalité est rêvée et sa rêverie réelle.

Jon Fosse a puisé de La faim[1] de Knut Hamsun[2], un texte de théâtre physique. Dans un premier temps intérieur et charnel (c’est dans la chair que la faim se manifeste) ; et dans un second temps  extérieur, où l’imagination nourrit le héros dans l’espace et le temps. La faim comme alibi à la vie, comme connaissance de soi. Une philosophie naturelle en quelque sorte.

L’écriture de Jon Fosse est limpide avec une évolution permanente dans l’intrigue. Elle n’a pas de ponctuation, comme pour se respirer dans toute les voix qui incarneront l’histoire. Sa prose a la poésie de la simplicité, mais que l’on ne s’y trompe pas, c’est dans l’humanité que la recherche de Jon Fosse est complexe. Ses personnages ont des secrets à peine dévoilés qui se prolongent dans l’imagination du lecteur ou du spectateur. Ce que l’on croit comprendre pour une chose, pour un mot, a aussi la signification d’une autre chose, d’un autre mot. Son théâtre est un miroir mensonger, où tout humain, qui s’y regarde, croit parfois se reconnaître. Ce qui fait de lui un dramaturge, citoyen du monde.

Ylajali

De Jon Fosse
Traduit du norvégien par Gabriel Dufay
Avec la collaboration de Camilla Bouchet
96 pages – Prix 14 €
L’Arche Éditeur
86, rue Bonaparte
75006 Paris
www.arche-editeur.com

 

 


[1] Roman populaire édité en 1890

[2] Knut Hamsun ( 1859-1952)  écrivain norvégien, prix Nobel de littérature en 1920.

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