ƒƒ article de Denis Sanglard

© Giovanni Cittadini Cesi

Un homme se meurt, agonise. Que se passe t il dans la tête de celui qui part..? L’envie folle de vivre, de courir alors que menace la chute ? Retenir le temps qui s’échappe, retarder l’échéance ? L’envie d’en finir ? Et les proches que vivent-ils auprès de celui qu’ils aiment et accompagnent ? Qu’est ce que le deuil et comment le vit-on ? Toutes ses questions sont au coeur de cette création où la magie, la danse et la musique au service de la dramaturgie ouvrent un univers incroyable, un monde où le temps et l’espace se diffractent, de contractent, sont éclatés. Une étrange application de la théorie des cordes…Pourtant au départ rien de spectaculaire. De menus faits, des meubles qui se déplacent, d’étranges et surprenants ralentis, des corps se délitant, qui doucement, subtilement opérent un décalage et perturbent la perception de la réalité. On glisse ainsi imperceptiblement dans un univers mental, perturbé par la maladie, confronté au quotidien  et dont le lien qui vous y attache désormais n’est plus tout à fait le même. L’homme lentement disparait, s’efface, peut être a-t-il déjà disparu. Ultime  protocole d’adieu… Ceux qui restent ne le voit plus mais le souvenir reste et semble pugnace. Etrange scène qui voit les vivants et les morts continuer à vivre ensemble. Formidable scène d’une danse folle et jubilatoire qui conjure, exorcise l’abscence et vous rend pour un instant l’être aimé. Incroyable scène d’une chute recommencée et qui n’en finit pas de finir. Et puis bientôt tout cela décolle. Au réel. L’homme s’envole. Plus rien ne le rattache, pas même la corde qui lui enserre le cou, geste ultime lui aussi recommencé. C’est magique ? Oui et non. On s’en fout du truc, on le connaît, on le devine mais qu’importe. Il n’est pas ici le but, quelques uns le regrettaient parmi les spectateurs, mais un moyen prodigieux pour atteindre l’indiscible, l’inconscient d’une âme en souffrance. La magie contemporaine ici n’est plus dans l’extraordinaire, le spectaculaire, mais dans le quotidien, la banalité qu’elle exhausse. Un quotidien qu’elle n’enchante plus mais qu’elle interroge au niveau de l’inconscient en s’effaçant, de façon relative, mise au service d’un projet plus global. Ces tableaux qui s’enchaînent et se répétent, têtus, variant les angles, étirant le temps à son maximum, jusqu’à la rupture, où le ralenti, lui, participe de l’apesanteur, nous fait entrer dans une dimension surnaturelle où la raison s’éfface, où la liberté de celui qui n’a plus rien a perdre, déjà perdu sans doute, échappé, est absolue. Le titre de cette création est celui d’un chant d’émancipation. C’est cet envol, cette ascension, tragique il est vrai, qui est aussi libération. Cette magie là elle n’est pas dans le truc mais dans dans son résultat d’une poèsie froide, sans fioriture, et qui vous bouleverse. Ibrahim Maalouf habille musicalement cette création et c’est une osmose parfaite. Cette musique là, somptueuse, accompagne pas à pas cette redemption, cette libération et participe de même à l’envoutement de cette création qui vous possède et ne vous lâche plus.

Wade in the water conception et mise en scène Clément Debailleuil et Raphaël Navarro
Dramaturgie Valentine Losseau
Chorégraphie Aragorn Boulanger
Musique originale Ibrahim Maalouf
lumières Elsa Revol
scènographie Céline Diez
Costumes Elsa Battaglia
Accéssoires électronique Antoine Meissonnier
Accéssoires magiques Manon Dublanc
Son Clément Debailleuil
avec Marco Bataille-Testu, Aragorn Boulanger, Ingrid Estarque

Du 3 au 13 mai 2018 à 20h30
Dimanche 15h, relâche le 8 et 10 mai

Théâtre du Rond Point
2bis av. Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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