ƒƒƒ article de Denis Sanglard
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Sortir de la Villette complètement ébouriffé après plus d’une heure, à peine, d’une traversée bluffante où la danse à son meilleur vous bouleverse, vous donne le frisson, le petit coup au plexus qui vous cloue sur votre fauteuil. Akram Khan revisite le Mahabharata, lui qui enfant participa à la légendaire mise en scène de Peter Brook. Until the lions, c’est un chapitre de cette épopée, réécrit pour l’occasion par Karthika Naïr. L’histoire d’Amba, fille du roi du Kashi, enlevée le jour de ses noces par Bheesma pour l’offrir en mariage à son frère qui la refuse. Libre mais désormais rejetée par sa famille et la société entière, Amba jure de se venger et s’immole par le feu. Réincarnée en homme, Shikhandi, elle poursuit sa quête. Entraînée comme un guerrier c’est sur un champ de bataille qu’elle se confronte enfin à Bheesma qui reconnait en elle la réincarnation d’Amba. Il baisse son arme et se laisse agresser. C’est sur un lit de flèches qu’il agonisera.
Une histoire de vengeance, de bruit et de fureur. Mais aussi une interrogation sur l’identité, le masculin et le féminin. Amba est le creuset d’un questionnement sur les rôles assignés par la société à chacun des deux sexes. Particulièrement l’oppression subie des femmes. Mais Amba comme le souligne Akram Khan est un métamorphe, un être capable de changer de corps, du féminin au masculin. Changer de sexe signe une rébellion, un acte de résistance. Et cette métamorphose, ce qu’elle implique de violence, physique et intellectuelle, est le centre de cette chorégraphie incandescente. Le passage, précisément, d’un sexe à l’autre, cette transition d’une énergie à l’autre.
C’est une danse encore une fois explosive portée à son acmé par Akram Khan. C’est une danse narrative, figurative, une épopée au son des tambours, des mélopées arabes et des chants médiévaux, qui vous laisse sonné. Virtuosité, vélocité, vitesse d’exécution affolante, inventivité. Le kathac métissé à la danse contemporaine, une danse habitée du bout des doigts qui griffent l’air à la plante des pieds qui martèlent et fait gronder le sol. Les corps vibrent, se cabrent, se désarticulent, s’affrontent, s’étreignent, se heurtent, s’embrasent et se métamorphosent. Courses échevelées, élans brisés net. Incroyable scène de l’immolation et de la réincarnation qui suit où la danseuse semble se déboiter et se rassembler avant de renaître, femme devenue homme. Ils sont trois sur le plateau circulaire qui affolent la salle captivée par leur énergie inépuisable, leur incarnation vive, leur fulgurance. Une énergie entre deux pôles, le masculin et le féminin, laquelle brouille l’identité des corps en présence, assigne un sexe nouveau au personnage d’Amba et c’est tout simplement bluffant de voir ce passage d’une énergie à l’autre, d’Amba à Shikhandi, transfigurant, réincarnant du même coup le corps et la danse. Et au delà de la virtuosité qui vous émerveille, de la technique qui vous épate, mon voisin saisi s’en mordait les poings, la danse d’Akram Khan est d’une sensualité brûlante. Les corps sont de chair, habités, incandescents, tendus par la vie, la mort et la vengeance.
Until the lions, direction artistique et chorégraphie Akram Khan
Concept narratif, scénario et texte Karthika Naïr
avec Akram Khan, Ching-Ying Chien, Christine Joy Ritter et les musiciens Sohini Alam, David Azurza, Yaron Engler, Vincenzo Lamagna
Conception visuelle Tim Yip
conception lumière Michael Hulls
Musique originale composée par Beautiful Noise ( Vincenzo lamagna) en collaboration avec Sohini Alam, David Azurza, Yaron Engler, Akram Khan, Christine Joy Ritter
Dramaturgie Ruth Little
Assistante de direction Sasha Milavic Davies
Assistante chorégraphie José Agudo
Voix Off Kathryn Hunterdu 5 au 17 décembre 2016 à 20h
relâche les 7/11/15 décembreLa Villette
Grande-Halle
211 avenue Jean-Jaures
75019 Paris
réservations 01 40 03 75 75
lavillette.com
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