Critiques // « Une Maison de Poupée » d’Ibsen, mise en scène Michel Fau à la Madeleine

« Une Maison de Poupée » d’Ibsen, mise en scène Michel Fau à la Madeleine

Fév 27, 2010 | Aucun commentaire sur « Une Maison de Poupée » d’Ibsen, mise en scène Michel Fau à la Madeleine

Critique de Bettina Jacquemin

Aux prises de son existence

Nora vit avec son époux et ses enfants dans une maison de poupée trop jolie, étouffante et cauchemardesque. Insouciante, elle joue avec la vie, avec les autres et avec elle-même. Un évènement va la contraindre à détruire les conventions du couple bourgeois et créer le scandale.
La jeune épouse cache un lourd secret pour avoir voulu sauver son mari, il y 8 ans. Le passé la rattrape, l’obligeant à user de subterfuges afin d’éviter les révélations. Les tentatives restent vaines. Son époux, Torvald apprend la vérité.
Mais, voilà, il ne fait preuve ni de colère ni de mépris…

Doux foyer… en apparence

Ibsen conte l’histoire d’un couple étouffé par les conventions. Critique acerbe d’une société dominée par les clichés ? Questionnement sur la position de la femme dans le couple ?
Une vision réelle et effrayante. Abordée sous des airs, pourtant légers…

Car, Nora est une femme-enfant. Elle s’agite et s’impatiente à l’arrivée de Noël. Nora s’émerveille devant son bonheur, sous le regard enchanté et fier de son mari.

Audrey Tautou incarne parfaitement la femme-enfant décrite par Ibsen. Sautillant sans cesse, elle est, au rythme de ses perpétuels tourbillons, un enfant heureux de vivre, bien loin de percevoir les soucis des adultes.
Mais, ce salon bourgeois, dont le décor éblouit dès l’ouverture du rideau devient vite trop sombre puis étouffant. Une décoration conventionnelle. Des tapisseries fleuries. Et, cette peau de bête, à même le sol…Le ton est donné. Le foyer est loin d’être si douillet qu’il n’y paraît au premier abord. Le décor de Bernard Fau devient minutieusement oppressant. A l’image de Nora, bien à l’étroit dans sa robe, magique, au demeurant et dont rêvent toutes les petites filles. Michel Fau, à la fois metteur en scène et personnage masculin principal de la pièce, choisit de la serrer dans un fourreau inconfortable. Audrey Tautou peine à marcher. Nora est engoncée… mais pas seulement dans sa robe.

Loin du carcan des conventions…

La pièce, la même depuis le départ, ce salon bourgeois change de configuration. Il se réduit petit à petit jusqu’à oppresser toujours plus, obligeant Nora à prendre sa liberté lors d’une confrontation ultime avec son époux. Le « petit écureuil » décide enfin, agit réellement.
Torvald, quant à lui respecte les traditions. Michel Fau conserve admirablement ce ton linéaire tout au long de la pièce comme pour témoigner chez Torvald d’une incapacité réelle à dépasser les conventions.

Audrey Tautou possède la fraîcheur nécessaire pour incarner la femme-enfant. Un enthousiasme dépassant pourtant parfois les limites du ‘’raisonnable, de l’acceptable et du supportable’’. Une excitation débordante de la part de Nora, véritable contraste avec la prise de conscience ‘’muette’’ du dernier acte. Une première interprétation théâtrale à saluer, cependant.

Le texte est drôle et le message nous parle encore aujourd’hui :
« La vie n’est pas triste – la vie est ridicule – et ça, c’est insupportable ! » Ibsen

Maison de Poupée
De : Henrik Ibsen
Traduction : Terje Sinding
Mise en scène : Michel Fau
Avec : Audrey Tautou, Michel Fau, Pascal Elso, Sissi Duparc, Nicolas Woirion, Flore Boixel et les enfants
Costumes : David Belugou
Décors : Bernard Fau
Lumières : Joël Fabing
Maquillage : Pascale Fau

Du 16 février au 10 juin 2010

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène, 75 008 Paris
www.theatremadeleine.com


Voir aussi :
La critique de Bruno Deslot à propos du livre Maison de Poupée

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