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« Une femme Chaste » & « La grande mélancolie », Théâtre Liyuan, Théâtre du Soleil/ MC93 hors les murs, Festival Le Standard Idéal

Juil 02, 2015 | Commentaires fermés sur « Une femme Chaste » & « La grande mélancolie », Théâtre Liyuan, Théâtre du Soleil/ MC93 hors les murs, Festival Le Standard Idéal

ƒƒƒ article de Denis sanglard

 

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La femme chaste

 

Ah, le soupir mélancolique de l’immense et talentueuse madame Zeng Jingping ! Il résume à lui seul un art plus que centenaire, d’une délicatesse inouïe, d’une grâce sans pareil et porté ici à son plus haut. Le Théâtre Liyuan est de retour. Dans le cadre de la dixième édition du Standard Idéal de la MC93, le Théâtre du Soleil accueille cette troupe chinoise sans égal. Le théâtre Liyuan c’est un art raffiné à l’extrême, un théâtre dansé et chanté, aux gestes délicats et codés, où les corps, flottant sur le plateau, esquissent les mille et une nuances des émotions humaines, les variations infimes et infinies des états d’âmes. Le frémissement soyeux d’un dos, un cou qui se courbe, une main qui papillonne et tremble, une manche d’eau qui tombe… combien de variations nous échappent sans doute mais qui ont ici une portée universelle. Les corps sont des roseaux flexibles qui ploient et vibrent sous le joug d’émotions contradictoires. C’est d’une grâce, d’une délicatesse qui bouleversent, à l’image de ces chaussons de soie rouge qui traversent le plateau à l’heure de rejoindre l’amant ou de ce mouchoir ramassé, froissé sous l’émotion qui assaille avant de cacher le visage rougissant sous la honte… Nous sommes dans l’empire du signe, loin de tous clichés exotiques, où le corps délié et le mouvement délicat dessinent dans l’espace une partition sensible que modulent le chant et la musique. Rien n’est figé pourtant. Et parce qu’ils dépassent par leur maîtrise absolue les conventions du genre, tout cela est terriblement, superbement vivant. L’émotion vous assaille soudain sans crier gare.

 

 

La grande mélancolie

La grande mélancolie

 

« La Grande Mélancolie » est un extrait d’un opéra traditionnel dont il ne restait plus trace jusqu’à peu, le Miroir aux litchis. Pièce représentative du Théâtre de Liyuan, tout l’art et la maîtrise du comédien se déploient. C’est une pièce écrite pour un rôle principale féminin et Madame Zeng Jingping dans le rôle de Wuniang est tout simplement éblouissante. Histoire d’une jeune fille qui pleure son amant en exil, qui ne peut dormir et plonge dans une intense mélancolie. Madame Zeng Jingping décline ici toute l’étendue de son art d’une élégance, d’un raffinement somptueux. Elle est incarnée, cette jeune fille aux sentiments contradictoires les plus extrêmes dansés/chantés avec une justesse, une profondeur qui foudroient. Et l’étendue de son registre, ses déclinaison, ses variations sont tout simplement et paradoxalement magnifiques et atteignent une vérité poignante dans la contrainte de cette gestuelle précise et codée. Cela semble si délicat et pourtant c’est d’une violence tragique. Toute la particularité de l’acteur chinois traditionnel éclate ici de façon magistrale. Comme dans « Une femme chaste » au livret contemporain de Wang Renjié qui avait déjà signé le livret de « La Veuve et le Lettré » découvert il y a un an. Pièce contemporaine où une veuve jeune encore et contrainte à la chasteté depuis dix ans, se prend à désirer violemment, au mépris des convenances, le précepteur de son fils qui la repousse violemment. Dix ans plus tard, le fils accède au mandarinat, l’étudiant est devenu ministre et le drame va continuer… Regard violent sur la condition féminine à travers la morale confucianiste, c’est une machine théâtrale où les sentiments sont exacerbés, les personnages dans des positions intenables où chacun est victime de l’autre. Pièce où les femmes sont perdantes, où le désir est réprimé. Là encore c’est une découverte magnifique. Madame Zeng Jingping fait montre de son extraordinaire maîtrise d’un art qu’elle porte avec sa troupe au sommet. Nous ne sommes pas prêts sans doute d’oublier la dernière image de cet ouvrage, cette silhouette anéantie après la dernière humiliation, ce corps brisé absorbé par l’obscurité qui doucement s’efface au lointain…

 

La grande Mélancolie 
Théâtre de Liyuan
D’après Chen San et Wuniang (Le Miroir aux Litchis), répertoire traditionnel du Liyuan
Transmission du livret à l’oral Chen Jiajian
Traduction Pascale Wei-Guinot
Surtitrage Zhang Jingjing
Régisseur Lin Xiaowei
Lumières Su Zhiqiang
Son Huang Qiming
Maquillage Dong Hui
Costumes Zhang Wanling
Accessoires Chen Huanhuang

Avec Zeng Jingping
Musiciens You Yubin, Zhao Yihui, Li Zhihuang, Xu Peikun, Hong Shuwan, Li Zhen, Chen Hanji

Une femme chaste 
Livret Wang Renjié
Traduction Josh Stenberg
Surtitrage Pascal Wui-Guinot et Zang Jingling
Mise en scène Lu Ang et Zeng Jingping
Chef d’orchestre You Yubin
Directeur artistique Wang Pingzhang
Régisseur Lin Xiawei
Création Lumière Georges Lavaudant
Lumières Su Zhiqiang et Ke Yuehai
Son Huang Qiming
Maquillage Dong Hui
Costumes Chen Luo et Zhang Wanling
Accessoires Chen Huanhuang
Techniciens Shu Hulai et Zen Long

Avec Zeng Jingping, Gong Wanli, Zhen Yasi, Guo Zhifeng, Lin Cangxiao et Lin Xiaowei
Chant Ling Lufu, Zheng Yating
Musiciens Cheng Henji, Xu Peikun, Wu Qiqiang, Hong Shuwan, Zhao Yihui, Wu Yingying, Yao Yiqan, You Yubin, Li Zhen, Li Zhihang, Yang Zhijian

« La grande Mélancolie »
27 juin, 3 et 4 juillet à 19h30

« Une femme Chaste »
26 et 30 juin, le 1er juillet à 19h30
Le 28 juin et le 5 juillet à 15h

Théâtre du Soleil – Cartoucherie de Vincennes
Route du champ de manœuvre – 75012 Paris
M° Château de Vincennes
Réservations 01 41 60 72 72
www.mc93.com

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