Critiques // « Une famille ordinaire » de José Pliya au Théâtre de l’Est Parisien

« Une famille ordinaire » de José Pliya au Théâtre de l’Est Parisien

Nov 08, 2010 | Aucun commentaire sur « Une famille ordinaire » de José Pliya au Théâtre de l’Est Parisien

Critique de Bruno Deslot

Tout simplement…

Hambourg, septembre 1939, la famille Abraham poursuit son quotidien, d’une étonnante platitude et pourtant ! La guerre éclate, le sang coule et le fils est parti au front !

Des transistors posés à même le sol, des chaises placées au centre de la scène, un fauteuil, un plateau à roulettes dessinent l’aire de jeu, le salon où la famille Abraham se retrouve pour partager le quotidien. Un quotidien fait de joies, d’inquiétudes, de tensions, de disputes… mais bien au-delà des apparences, c’est aussi le quotidien de toutes les familles avec ses secrets, ses non-dits et ses frustrations.

© Hervé Bellamy

Elga, la mère bienveillante, bonne cuisinière, veut faire plaisir, cherche toujours à contenter tout le monde avec son gâteau aux pommes à la cannelle ou son ragoût. Véritable catalyseur des crises familiales, elle n’en est pas moins le témoin oculaire et trop souvent passif face aux aspirations d’héroïsme d’Oskar, son époux ayant projeté sur son fils Julius, tous ses espoirs vains en le poussant à s’engager dans une unité spéciale de la police. La tendre filiation s’altère au profit des massacres qui s’additionnent pendant cette période faste qu’est la Seconde Guerre Mondiale. Entre culpabilité, connivence, éducation, discipline, patrie, nation, armée etc… la fonction paternelle est mêlée à une confusion des genres dans un contexte qui relève de l’horreur, du mal, ce mal faisant référence au génocide du Rwanda et pour lequel il est impossible pour l’auteur d’en rendre compte à chaud. Puis cette rencontre salutaire avec l’ouvrage de l’historien Daniel Jonah Goldhagen Les bourreaux volontaires d’Hitler, les allemands ordinaires et la seconde guerre mondiale qui permet à José Pliya de faire le lien entre nous humains et notre capacité à faire le Mal, où que ce soit, avec qui que ce soit, là où l’on s’y attend le moins, dans Une famille ordinaire par exemple !

© Hervé Bellamy

Car il faut bien garder à l’esprit qu’Une famille ordinaire ne fait aucunes références aux massacres du Rwanda, mais surtout et principalement à la manière dont des gens « ordinaires » peuvent accepter et approuver le massacre de toute une collectivité humaine et même y participer, ce que fait Julius en s’engageant dans cette unité de police. Hans Peter Cloos, d’origine allemande, s’empare de cet ouvrage pour en proposer une mise en scène qui s’évertue à étirer le temps, à aplanir un terrain de jeu que l’on pressent miné et qui pourtant n’explose jamais ! C’est une force inouïe, un désir de violence perverse qui pourrait bien fonctionner mais qui s’essouffle très rapidement. Les vidéos projetées en fond de scène n’aident en rien à la compréhension de l’enjeu, déconcentrent plutôt qu’elles n’intéressent, le micro dont s’empare Dörra est une laisse pour la comédienne dont le talent suffit largement pour s’affranchir de cette artillerie lourde très à la mode. Christiane Cohendy (Elga) se retrouve confinée dans son rôle de ménagère sans aucunes intentions de jeu qui permettraient à un moment donné de comprendre toute la complicité et complexité qui génère le Mal au sein de cette famille ordinaire. Quant à Roland Bertin, planté dans son fauteuil, incarne un père désuet. L’ensemble manque cruellement de consistance dramaturgique et même si le texte ne fait pas exception dans le paysage littéraire d’aujourd’hui, les comédiens qui le servent auraient pu lui offrir toute la consistance qui lui manque. Une direction d’acteurs qui n’atteint pas sa cible, une pièce qui ne tient pas ses promesses en raison d’une écriture ne faisant pas exception, une mise en scène qui additionne les effets de mode ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser pendant les 1h30 de spectacle auquel on assiste assez désemparé.

Une Famille Ordinaire
De : José Pliya (Ed. L’avant-scène Théâtre)
Mise en scène : Hans Peter Cloos
Avec : Roland Bertin, Christiane Cohendy, Bérangère Allaux, Laure Wolf, Matthias Bensa
Assistant à la mise en scène : Bruno Laurec
Décors : Marion Thelma
Costumes : Marie Pawlotsky
Lumières : Nathalie Perrier
Musique : Pygmy Johnson
Vidéo : Camille Pawlotsky

Du 4 au 27 novembre 2010

Théâtre de l’Est Parisien
159 avenue Gambetta, 75 020 Paris
www.theatre-estparisien.net

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