ƒƒ article de Camille Hazard
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Cette grande chambre en Inde, accueillant une troupe de théâtre en panne d’inspiration, va devenir la chambre des rêves, des cauchemars, des visions; une chambre dans laquelle va battre le cœur du monde.
Le lendemain des attentats du 13 novembre 2015, Mr Lear, chef de la troupe perd la raison ; on le retrouve nu sur la statue de Gandhi, déchirant son passeport français. Il demande à son assistante Cornélia de reprendre le flambeau et de créer le nouveau spectacle tant attendu par les institutions. Outre le clin d’œil à Shakespeare et au personnage de Lear, souhaitant se retirer du pouvoir, Mnouchkine s’adresse aux nouvelles générations d’artistes et questionne « comment aujourd’hui raconter le chaos d’un monde devenu incompréhensible ? ».
Cornélia, affolée par le poids de la responsabilité, pleure, implore, gémit, se réfugie dans un grand lit pour échapper à la réalité et au temps. Incapable de « distinguer son pied droit de son pied gauche », elle n’a aucune vision artistique et n’a jamais rien créé. Le message est clair, on ne crée rien dans son lit et les visions dont les artistes souhaiteraient être assaillis, n’apparaissent pas comme par magie. Il faut aller les chercher, les débusquer dehors, dans la rue, sur les trottoirs, de par le monde !
Lorsque Corélia s’endort, ses rêves prennent vie dans la chambre.
Dans ces moments de théâtre dans le théâtre, Mnouchkine convoque Shakespeare, Tchekhov, Gandhi, le Mahabharata, Charlie Chaplin… Autant d’hommes et d’œuvres qui ont puisé leur universalité dans la rue, auprès du peuple.
Une chambre en Inde est un spectacle sur un spectacle qui ne se crée jamais. Avec beaucoup de comique, la Troupe du Théâtre du Soleil emmène le public aux quatre coins du monde, fait un état des lieux du chaos et de ce qui reste comme humanité. La prochaine création de la troupe va t’elle parler d’écologie ? Des femmes soumises ? De Daesh ? Des nationalistes ? Des guerres ? Heureusement, il persiste dans toutes ces atrocités contemporaines, imprévisibles, des lopins de terres où l’humanité a encore sa place et les grandes œuvres sont là pour nous le rappeler.
La troupe partage le plateau avec des grands maîtres comme Kalaimamani P.K Sambandan Thambiran, et du théâtre Theru koothu ; « théâtre traditionnel Tamoul très ancien plus généralement joué par et pour les basses castes. Un cousin du Kathakali… ». On respire et nous touchons l’Inde du doigt. Nous traversons les époques, parcourons le monde et pourtant nous sommes restés dans une chambre.
À la fin du spectacle, dans une dernière scène pleine d’émotions, Charlie Chaplin grimpe à la tribune ; un monologue puissant prend son envol contre la peur, le désespoir et la haine.
Une chambre en Inde
Création collective du Théâtre du Soleil
Dirigée par Ariane Mnouchkine
Avec la musique de Jean-Jacques Lemêtre
En harmonie avec Hélène CixousAvec la participation exceptionnelle de Kalaimamani P.K Sambandan Thambiran
Représentations à partir du 5 novembre 2016 (durée 4h)Théâtre du Soleil
Route du Champ de manœuvre – 75012 Paris
M° Château de Vincennes (+ navette gratuite)
Réservation 01 43 74 24 08
www.theatre-du-soleil.fr
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