ƒƒ article de Camille Hazard

© Lola Carrère

« La femme avait crié les cris quand Matthieu s’asticouillait sur la moquette dans ta chambre. »

C’est une sensation qui déclenche encore une peur dans ta tête.

Des fois, on n’arrête pas de se les répéter dans ta tête, les phrases de la femme qui ne voulait pas être la maman.

Quand Matthieu commence à te les répéter, ça dure tout le temps. »

La scène est plongée dans le noir.
Au centre, une baignoire en aluminium.
Dans la baignoire, Matthieu.
Il nous tourne le dos, son visage est reflété par un large miroir suspendu.
Une faible lumière éclaire le visage inquiétant de ce garçon
Une baignoire pour un cercueil…

Dans ce premier texte publié en 2011, David Léon explore les possibilités du langage ; le « je » devient « tu », devient « on », les adresses se croisent et se multiplient jusqu’à la folie.

Matthieu adolescent, joue de plus en plus aux jeux vidéo, au Batman.
Bientôt une voix terrible résonne dans sa tête qui le pousse à se replonger dans les nœuds de ses souvenirs.
Mais Matthieu s’est suicidé il y a quelques années en se jetant sous un train. Déclaré cliniquement mort, son corps inerte s’accroche à la vie avec sa voix. Une parole brisée, coupante et libératrice interférée par des silences profonds.

« La femme qui ne voulait pas être la maman »

Si l’âge de l’adolescence est complexe, souvent torturé, parfois accidenté, David Léon révèle dans ce soliloque, un entourage familial mortifère, favorisant le lâcher prise des enfants. Une femme qui refuse d’être mère, un père absent, indifférent…

Le comédien Thomas Blanchard en tension permanente, retient chaque mot, favorisant par son jeu, un climat de malaise et de dangerosité.
Nous sommes rapidement captivés par ce garçon anéanti, poétique, qui se livre à corps perdu dans les failles de son existence.
La metteuse en scène Hélène Soulié met ce texte en miroir avec Sauvez la peau, autre soliloque de David Léon publié en 2014 et également programmé à Théâtre Ouvert jusqu’au 14 février. Outre des éléments scénographiques récurrents (et décevants dans Sauvez la peau) comme le miroir ou la vidéo, Hélène Soulié fait dialoguer le personnage de Matthieu et de son frère avec eux-mêmes et le reste de la famille. Une oralité brutale qui prend corps avec difficulté. Dans ces vers libres, aucune tentation d’écriture psychologique. David Léon creuse le mal être des ses personnages avec la sonorité et le rythme des mots, dans une langue quotidienne, magnifique.

Un Batman dans ta tête
Texte David Léon
Conception, mise en scène et dramaturgie Hélène Soulié
Scénographie Emmanuelle Debeusscher, Hélène Soulié
Lumière Maurice Fouilhé
Son, vidéo Serge Monségu
Avec Thomas Blanchard

Les samedis 31 janvier, 7 et 14 février 2015 à 16h00.

Théâtre Ouvert
4 Bis, Cité Véron – 75018 Paris
M° Place de Clichy, Blanche
Réservation 01 42 55 74 40 – résa@theatreouvert.com
www.theatre-ouvert.com

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