Critiques // « Toute vérité » de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey au Rond-Point

« Toute vérité » de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey au Rond-Point

Avr 29, 2011 | Aucun commentaire sur « Toute vérité » de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey au Rond-Point

Critique de Dashiell Donello

Jean-Yves Cendrey a écrit au diapason de « La lettre au père » de Franz Fafka, sa propre lettre au père. La particularité de celle de Kafka, écrite en 1919, est que son père n’en eut pas connaissance. Dans le texte de Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey, c’est le contraire. Le fils n’entend pas les réponses que lui fait son père. Après des essais infructueux d’écrire à quatre mains, il y a eu cette idée, et quelle bonne idée, que Marie NDiaye s’insinue dans le texte de Jean-Yves Cendrey, comme le gui sur un peuplier. Pour, non pas défendre un père tyrannique, mais le faire exister face au réquisitoire du fils. Afin qu’il puisse se défendre ou argumenter une parole qui peut être posthume. Ce gui sur ce peuplier est la touche d’humour qui allège ce qui serait insoutenable sans lui. Il y avait le danger que le gui étouffe le peuplier, mais heureusement cette plante parasite a fusionné dans une même sève complémentaire.

© Stéphane Tasse

Il est dommage que le texte soit desservit par une mise en scène trop statique. Ce n’est pas la vacuité du lieu qui est en cause, ni l’immobilité de la première scène, mais le manque de clarté de la situation et le déséquilibre de la distribution.

Pour se risquer sur un plateau, libre de toute scénographie, il faut des actions intérieures, des états et des fulgurances de la part des comédiens. Or, seul Daniel Martin (le père) a ces qualités. Il “bouge” intérieurement son personnage et suit l’objectif de sa pensée. Son écoute est remarquable et son jeu atteint le public. Ce n’est pas le cas de François André (le fils) qui, pour la première fois qu’il joue en France, n’a pas trouvé ses marques et les éléments de son personnage. Dès le début, il semble mal à l’aise et bredouille ses répliques. Il n’incarne pas ce fils accusateur et semble dérangé par la fixité imposée par la mise en scène. On devrait le voir plein de ressentiment et combatif, on le voit au supplice et à la recherche d’un second souffle. Ce qui décline son personnage vers une sonorité monotone, et l’empêche d’atteindre son objectif.

Extrait
Père : Ton entêtement, j’avais entrepris de le briser, pour ton bien, comme on m ‘a enseigné à le faire, mais c’est moi que j’ai brisé à vouloir te mater, et ça, on ne me l’avait pas enseigné, et moi je crois que le père réduit à l’échec par le fils dans l’éducation de celui-ci est digne d’une certaine pitié. Surtout que le fils s’exagère.
Fils : (…) je tiens quand même à te remercier encore, car tu fortifias précocement chez moi quelques saines aversions, et je te dois notamment d’avoir échappé au service militaire, exempté que j’en fus pour avoir déclaré que je refusais l’uniforme et d’obéir à aucun ordre, considérant qu’après dix-sept ans passés sous le feu de ta médiocrité j’étais en droit de vomir le kaki et ma patrie avec, de vomir ma patrie dans le creux d’un képi.

Toute vérité
De : Marie NDiaye et Jean-Yves Cendrey
Mise en scène : Caroline Gonce
Avec : Daniel Martin, François André
Assistante à la mise en scène : Aurélie Charon
Lumières : Patrice Trottier

Du 28 avril au 28 mai 2011

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75 008 Paris – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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