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Tokyo dance ! à la Maison de la Culture du Japon à Paris

Juin 26, 2017 | Commentaires fermés sur Tokyo dance ! à la Maison de la Culture du Japon à Paris

© Jean Couturier (Tokyo/espace personnel)

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Tokyo dance ! trois danseurs-chorégraphes de Tokyo, dans le cadre du festival Camping (avec le CND), pour découvrir trois facettes de la danse contemporaines japonaise. Trois univers différents, danse contemporaine, hip-hop et butô.

 

Tokyo/espace personnel de Maki Morishita, est une petite merveille de drôlerie et d’absurde. Dans un espace restreint, un carré d’un mètre cinquante délimité par ruban adhésif, Maki Morishita déroule sa journée. Chaque geste quotidien, mécanique, devient signe chorégraphique, combiné, répété, et compose une chorégraphie jubilatoire. Au rythme particulier d’une voix off débitant des instructions absurdes. Particulièrement hilarante la séquence ou cette voix lit avec minutie la composition d’un shampoing jusqu’à faire progressivement des glissements sémantiques aléatoires (on retiendra « paraben/pas la peine ») perturbant la chorégraphie comme un caillou dans une chaussure. Cette parole s’accélérant de façon incongrue et les instructions se répétant de façon hasardeuse, la danse devient de plus en plus grotesque, les combinaisons de plus en plus problématiques et leurs résolutions franchement absurdes. C’est drôle mais dans cet espace exigüe Maki Morishita exprime une liberté loin de la pression, dit-elle, et des codes sociaux. Cela ne dure que dix petites minutes mais ces minutes-là suffisent à résumer, à exprimer une journée dans son absurdité. Et la fin de cette chorégraphie fait planer soudain une réalité douce-amère, un propos bien plus subtil derrière cette folie apparente, résumé en trois mots : Tokyo/Seul/Drague.

Tokyo/espace personnel chorégraphie et interprétation de Maki Morishita

Adaptation du texte en français  Aya Soejima
Voix off  Virginie Aussedat
Montage son  Ayumu Okubo
Costume Midori Hagino
Avec le soutien de La Saison Fondation

 


© Jean Couturier (Alphard)

Alphard de Mikiko Kawamura. Alphard est l’étoile solitaire la plus brillante de la constellation de l’Hydre. Etrange titre pour une création d’une grande énergie. La scène est divisée en neuf carrés qui s’illuminent l’un après l’autre. Chaque carré révèle un univers musical différent, hip hop, techno, pop, mantra, classique… Mikiko Kawamura glisse de l’un à l’autre, adapte sa danse à chaque univers. Cette danseuse vient du hip hop. L’influence est nette. Elle en décline toute les possibilités. Formidable boule d’énergie, tout en fluidité, en vitesse, en rupture de rythme, son corps est une formidable caisse de résonance qui vibre à chacun des univers musicaux jusqu’à en faire une synthèse étourdissante. Le corps se désarticule, chaque point d’articulations sollicités jusqu’à la limite de la rupture. Tout cela donne une sensation de vertige et de légèreté. Mais pour que la danse par son énergie vorace n’étouffe pas son interprète, et les spectateurs, entre chaque partition il nous est donné de respirer. Un souffle nécessaire, matérialisé par la bande son, mais qui voit apparaître sur le plateau, à jardin, un étrange petit baigneur joufflu, poupée de plastique déclinée à l’envie, et pour lequel nulle explication nous est donnée. Cela restera un mystère.

Alphard, Chorégraphie, interprétation et arrangements musicaux de Mikko Kawamura
Avec le soutien de la Saison Fondation

 

© Jean Couturier (Good Luck)

 

Good Luck de Takao Kawaguchi où comment résumer un film imaginaire de 3 minutes en 30 minutes. Cela peut paraître un raisonnement absurde mais Takao Kawagushi aux rythmes de sons enregistrés (une station de métro, un temple, une forêt) décompose ses mouvements en slow-motion. Cette lenteur extrême permet l’immersion dans un espace soudain modifié, une perception du temps autre. Le corps à l’écoute des sons projette et développe une image mentale, matérialise la perception des émotions ressenties. Les images prennent alors une toute autre signification, quasi abstraite. Et cette abstraction permet à chacun à son tour de se projeter dans un univers mental qui lui est propre. Et c’est le propre du slow motion de tordre la réalité, de la diffracter, de la décomposer pour en donner une perception singulière, basculer vers une autre acuité. Takao Kawagushi atteint ici un point de rupture par cette lenteur extrême qui ouvre sur de nouvelles sensations. Un corps en métamorphoses constantes qui étire chaque séquence de ce film de trois minutes pour en donner une lecture inconsciente où le temps n’est plus. Troublant.

Good Luck, conception, chorégraphie et interprétation de Takao Kawaguchi
Son  David Vranken
Avec le CND, Centre National de la Danse, dans le cadre de CAMPING, plateforme chorégraphique internationale

 

Tokyo dance ! Tokyo/espace personnel de Maki Morishita, Alphard de Mikiko Kawamura, Good Luck de Takao Kawaguchi, Maison de la Culture du Japon à Paris

Vendredi 23 et samedi 24 juin 2017 à 20h

Maison de la Culture du Japon
101 bis, quai Branly
75015 Paris

Horaires
Du mardi au samedi, de 12h à 20h

Métro
Ligne 6 : M° Bir-Hakeim
RER C : Champ de Mars – Tour Eiffel
 
Réservations 01 44 37 95 95
www.mcjp.fr

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