Critiques // « Thelma », un théâtre de marionnettes et d’objets de Claude Bonin à l’Épée de Bois

« Thelma », un théâtre de marionnettes et d’objets de Claude Bonin à l’Épée de Bois

Oct 20, 2010 | Aucun commentaire sur « Thelma », un théâtre de marionnettes et d’objets de Claude Bonin à l’Épée de Bois

Critique de Bruno Deslot

Un message d’amour et d’espoir

Thelma, personnage énigmatique déjà mort et pourtant si vivant, a fait son deuil, le deuil de ses proches, de ceux qu’elle aime et qu’elle aimera toujours.

Image insaisissable et pourtant presque palpable, Thelma naît sous nos yeux. Petite fille, elle l’a été. Femme, elle l’est devenue et sa vie s’est façonnée, modelée comme cette pâte à pain qu’elle utilise pour mettre en scène ceux qu’elle a aimé, ses enfants, les « six p’tits nègres » !

Car avec Léo, son époux, elle aurait pu en faire dix, mais ici l’intrigue procède d’une autre nécessité : celle de vivre les moments de son quotidien avec amour, patience et compréhension. Thelma n’est plus, elle s’adresse à nous depuis le royaume des morts, imposant une mise à distance dans sa narration qui fait de la mort non plus un cri de douleur mais une épreuve initiatique qui, une fois le deuil fait, inspire la joie, et invite au rire. La voix douce et irréelle de Thelma livre les souvenirs poignants d’une vie simple partagée dans l’amour des autres avec une générosité sans concessions. Accompagnée de ses marionnettes qu’elle met en scène avec une grâce toute exceptionnelle, cette femme caraïbe fend l’obscurité du plateau pour nous livrer un message d’amour et d’espoir. « Il ne faut pas avoir peur de la mort. Moi même je suis morte et je n’ai pas peur. » Le ton est donné et les mystères autour de la mort se dissipent, s’échappent de la scène pour inviter le spectateur dans une surprenante course à la vie.

Une image fantôme

Une femme « âgé, antillaise […] au visage déjà façonné par le masque de la mort » traverse la rue de Charonne. Claude Bonin la surnommera Thelma. De cette rencontre singulière et inattendue, l’auteur et metteur en scène compose un arc en ciel d’émotions rayonnant bien au-delà du ciel des mortels. Thelma est née et avec elle une vie, toute sa vie rapportée dans une langue simple, poétique et généreuse. Mariann Matheus, rayonnante et aérienne, illumine le plateau plongé dans une semi-obscurité. Elle s’empare d’une tête modelée à l’image de la petite fille qu’elle était pour la faire grandir et la transformer au gré des événements. Thelma a peur de la mort, de l’amour. Elle veut être immortelle pour ne pas avoir à souffrir de ce que la vie lui imposera. Et pourquoi ne pas tenter l’expérience, celle de soi, celle des autres lui souffle son père, incarné par la grande basket rouge que Thelma lève bien haut au-dessus de la figurine avec laquelle elle joue ? La route est longue mais l’histoire courte, trop courte comme la vie ! Derrière son castelet, présenté à l’avant de la scène comme un comptoir, Thelma manie les marionnettes avec une douceur merveilleuse, une délicatesse bienveillante qui accentue la fragilité des personnages dont elle évoque l’existence.

C’est là que Léo, son époux, la quittera, qu’Anton l’un de ses fils ayant voué sa vie au théâtre mourra pendu, que Thelma mettra en scène le bonheur d’une vie riche parce qu’acceptée pour ce qu’elle est.

Dans une ambiance rassurante, facilitant la proximité avec le public, Thelma se raconte une heure durant dans un souffle salvateur, dans un beau message d’amour servi par une comédienne d’exception.

Claude Bonin réalise une composition puissante et chargée de sensibilité dans une mise en scène efficace privilégiant la qualité à la quantité.

Thelma
De et mis en scène : Claude Bonin
Interprétation : Mariann Matheus
Scénographie :Michel Hellas
Lumières : Violaine Burgard
Construction décor : Jean Opferman

Du 19 au 24 octobre 2010

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, 75 012 Paris
www.epeedebois.com

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