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The Last Supper d’Ahmed El Attar, Théâtre De Gennevilliers.

Nov 13, 2015 | Commentaires fermés sur The Last Supper d’Ahmed El Attar, Théâtre De Gennevilliers.

ƒƒ article de Camille Hazard

 

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Onze personnages s’apprêtent à prendre part à un souper.
Nous pénétrons le quotidien d’une famille bourgeoise, métaphore de la société moderne égyptienne.
Ce dernier souper, tel figuré dans la Cène biblique, annonce une trahison prochaine…
La trahison du nouveau pouvoir face au peuple égyptien.

La révolution et la chute de Moubarak ont offert à l’Egypte, la possibilité de se relever et de se reconstruire autour de son peuple. Mais les gens de pouvoir de l’ancien régime ont été remplacés par d’autres gens de pouvoir du nouveau régime, rien ne semble changer finalement… l’écart entre les couches sociales ne cessent de se creuser et la corruption, l’hypocrisie, la grossièreté de la bourgeoisie enflent à tout rompre…
Au centre le patriarche règne en maitre.
De part et d’autres de la table, tous les archétypes de la bourgeoisie sont représentés avec finesse : un artiste apathique et vicieux, une jeune femme glossy-glossy, affreusement vulgaire et niaise, son mari, jeune dynamique, plein d’ambition apprenant les rouages de la traitrise et des affaires, un vieux général paranoïaque dont on imagine, à travers ses discours haineux, les tortures qu’il a infligé pendant sa carrière, « Fi-Fi » une femme un peu grosse, mal dégourdie, plus religieuse que les autres semble-t-il, émotive et sans cœur, et enfin le patriarche que rien ne peut ébranler si ce n’est le chiffre des profits qu’affichent les entreprises du CAC40. Celui-ci est mono sujet sur les dollars…
Ahmed El Attar, met en scène la relation acerbe de cette bourgeoise avec le peuple, à travers deux serviteurs et une nourrice. Alors que cette derrière, fille du peuple n’a pas le droit à la parole et reste debout, derrière les enfants de ses maîtres, tout le spectacle, les serviteurs sont eux-même organisés en classe inférieure et supérieure…

« Le théâtre, en gros, l’art, est un container de la vie. »
Plusieurs images violentes se dégagent du diner et amènent en plus des rires glacés, une dimension profondément dramatique. Trois arrêts sur image entrecoupent le tableau accablant de cette famille. La mise en scène d’Ahmed Al Attar s’inscrit comme une partition de musique, les dialogues se chevauchent, les déplacements se croisent, les petites réflexions fusent tout en gardant une harmonie artistique magnifique. Les comédiens demeurent dans une incarnation jeu intense et nous renvoient leur engagement politique à défendre ce texte.
On imagine que le spectacle peut faire du bruit en Egypte mais pas qu’en Egypte. Car l’intelligence d’Ahmed El Attar est nous montrer qu’une bourgeoisie qui copine avec le pouvoir est la même partout sur le globe !
Dans cette famille la relève est assurée par deux enfants gras, scotchés à leur tablette numérique…
La violence que nous renvoie cette famille provient bien sûr de l’inégalité entre le système de classes sociales mais surtout le désintérêt des gens qui possèdent, pour les autres, pour leur pays. Car comme l’explique le metteur en scène « « On ne peut pas exiger d’un paysan qui a huit frères et sœurs, qui s’est marié à 16 ans, qui doit nourrir ses dix enfants, qui ne sait ni lire ni écrire et qui vit dans une maison à la campagne, de changer le pays. Mais celui qui a tout, qui conduit des 4X4 et ne se soucie absolument pas du monde (…), voilà ce qui tire le pays vers le bas. »
The Last Supper est une très belle proposition artistique, avec un discours fort, on espère qu’il sera entendu dans beaucoup d’autres pays…

 

The Last Supper
Texte et mise en scène Ahmed El Attar
Musique Hassan Khan
Décor et costumes Hussein Baydoun
Lumière Charlie Aström
Réalisation sonore Hussein Sami
Production et régie Mram Abdel Maqsoud
Assistant lumière et opérateur Saber El Sayed
Assistant décor Ahmed Ashmawy

 Avec Mahmoud El Haddad, Mohamed Hatem, Marwa Tharwat, Boutros Boutros-Ghali, Abdel Rahman Nasser, Ramsi Lehner, Nanda Mohammad, Mona Soliman, Ahmed Farag, Mona Farag, Sayed Ragab

Du 9 au 15 novembre 2015

 Théâtre de Gennevilliers
Centre Dramatique National de Création Contemporaine
41 Avenue des Grésillons – 92230 Gennevilliers
M° Gabriel Péri
Réservation 01 41 32 26 26
www.theatre2gennevilliers.com

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