Critique d’Evariste Lago –

Un Québécois à Paris

Daniel Danis est un auteur Québécois francophone, globetrotteur, concepteur du « roman-dit » : forme qui narrativise le théâtre et oralise le roman. Sa carrière de dramaturge débute en 1993 avec sa première pièce Celle-là qui obtient le prix de la critique à Montréal et celui de la meilleure création en langue française du Syndicat Professionnel de la Critique Dramatique et Musical de Paris. Il reste le premier dramaturge à avoir obtenu trois prix du gouverneur général du Canada et est, aujourd’hui, chevalier des arts et des lettres de la République française.

© Xavier Lambours

Gabriel, dix ans, arrive un soir dans l’appartement et la vie surchargée et bien rangée d’Antoine, son père adoptif. Ils ne se connaissent pas encore. Son ex-femme l’a quitté pour Greg après qu’ils eurent décidé d’adopter. Aujourd’hui, elle lui envoie l’enfant ne pouvant plus supporter sa mort imminente. Antoine va découvrir que l’enfant est atteint d’un cancer incurable et décide de quitter la ville pour vivre ces derniers mois ensemble. Ils s’installent dans la campagne québécoise chez son oncle Dave. C’est l’hiver, le temps de la neige et du repos de la nature. Ces trois hommes vont apprendre à vivre ensemble. Qu’est-ce qu’être père adoptif pendant six mois ? Daniel va apprendre la paternité au-delà des liens du sang, le sens de la vie, et comprendre que des petits moments fabriquent le bonheur. Charlotte, l’infirmière va faire son entrée à pas feutrés. La présence perpétuelle de la mort va obliger tous les protagonistes à se rapprocher et à se découvrir. Au fils du temps, la nature va sortir de sa torpeur à l’image de l’amour de Charlotte et Antoine alors que Gabriel va entrer dans l’inconnu.

L’éternité de la banquise

© Philippe Delacroix

La neige et le froid inspirent le décor de Terre océane. Le plateau est d’un blanc éclatant et dénudé comme la banquise. Quelques blocs blancs, un congélateur et un bassin/trou dans la glace, tels sont les choix de Véronique Bellegarde et du scénographe Edouard Sautai. Des choix d’une beauté plastique assurée pour ce « roman-dit ». Les dialogues sont ponctués de narration. Le roman se mêle à la pièce. Le récit est dit par la comédienne Cécile Bournay qui interprète également Charlotte, l’infirmière de Gabriel. Cette narratrice se faufile tel un félin entre les protagonistes dans cet espace évoquant tout aussi bien un appartement moderne que, grâce aux projections et vidéos, l’immensité du territoire québécois, que l’auteur semble affectionner tout particulièrement et qui lui inspire ses mots et ses personnages singuliers. Gabriel, héros au nom d’ange, est entraîné dans un parcours initiatique qui le conduit à la mort. Géraldine Martineau prête admirablement ses traits à ce personnage masculin touchant. Cette actrice formée à la classe libre des Cours Florent et au Conservatoire de Paris, nous fait oublier son genre pour se glisser dans celui d’un garçon de dix ans. La performance est admirable. Michel Baumann, quant à lui, sait incarner le personnage au premier abord bourru mais sensible de Dave avec intelligence. Les questions que se posent Antoine l’entraînent à souhaiter que son fils meurt plus rapidement et nous l’accompagnons également sur ce point. La fin de la pièce aurait pu être réduite sans lui faire perdre de son intensité et de son message. Cependant, le final et le jeu de Gérard Watkins font oublier cette longueur.

Terre Océane
Texte : Daniel Danis
Mise en scène : Véronique Bellegarde
Avec : Michel Baumann, Cécile Bournay, Géraldine Martineau, Gérard Watkins
Scénographie : Véronique Bellegarde et Edouard Sautai,
Création photographique et lumières : Xavier Lambours
Lumières : Philippe Sazerat,
Création musicale : Médéric Collignon
Son : François Vatin
Effets visuels, montage vidéo : Olivier Garouste
Costumes : Marie Pawlotsky
Maquillages et coiffures : Catherine Saint-Sever
Conseil chorégraphique : Béatrice Warrand
Construction du décor : Edouard Sautai, Antoine Raulin et Jean-François Leroy

Du 30 mars au 10 avril 2010

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75 018 Paris
www.theatredelaville-paris.com

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