ƒƒƒ article de Hoël Le Corre

Un clown blanc entre en scène, c’est Garance Legrou, costume un peu trop ample, et visage oscillant entre l’émotion de voir la salle comble et le plaisir de savourer une nouvelle rencontre avec le public présent ce soir-là. Car, oui, si nous, les spectateurs sommes, en ce début de spectacle dans l’expectative de ce que nous réserve cette femme aussi rêveuse qu’engagée, aussi angoissée que fantasque, cette dernière ne semble pas moins curieuse de découvrir quel public a choisi de passer son samedi soir en sa compagnie…

Le ton du spectacle est donné : il sera décalé, unique, introspectif et surprenant. Et politique. Éminemment politique. Évidemment politique. Un genre d’inventaire à la Prévert des questions existentielles qui taraude cette femme « cis, blanche et hétéro », pour qui il est d’ailleurs totalement nouveau de se définir en ces termes. Mais justement, cette nouvelle perspective, cet âge qui avance, ces insomnies, ces prises de conscience successives, ces interrogations personnelles s’avèrent être le terreau d’un formidable bouillonnement de questionnements politiques et sociaux.

Son père lui aura donné le pire et meilleur conseil de vie, le seul qu’il lui aura donné d’ailleurs : « Tout est une question de perspective. Pour avoir son propre point de vue, il faut quitter la route et marcher à côté. C’est plus intéressant.» Elle l’aura donc suivi à la lettre et nous en fera partager l’expérience, en se mettant elle-même sur le côté de la scène et nous laissant imaginer le « spectacle qu’on aurait voulu voir », puisqu’elle n’est pas sûre elle-même de nous offrir ce que nous étions venu chercher… Un spectacle participatif en quelque sorte. Nous vous avions prévenu : tout est ici politique. Même le quart d’heure américain, les solos de sax de la pop des années 1980, et les boules à neige ! Avec une mention spéciale pour une toile cirée particulièrement kitsch… Mais chut, ne dévoilons pas trop !

Au fur et à mesure du spectacle, on s’attache à cette clown qui nous livre son cheminement réflexif, en toute humilité et sincérité, avec une générosité émouvante. Et à défaut de donner des solutions à toutes ses questions, elle en appelle à la nouvelle génération, pour trouver d’autres voies que celles empruntées par le néo-libéralisme depuis les années 1980.

Entre satire et coups de gueule, entre espièglerie et intonation faussement didactique, Garance Legrou titillent nos consciences et nos zygomatiques. Entre rictus et hilarité, on explore avec elle tout l’éventail du rire. Et quoi de mieux que l’humour, l’autodérision, et la révélation de petits traumatismes intimes pour réfléchir sur le monde, ouvrir les yeux, et finalement dénoncer, pour tenter, peut-être, d’apporter des bribes de solutions, quitte à ce qu’elles soient aussi loufoques que créer « l’Internationale de la Danse de la Chenille » ? Un hymne à l’esprit critique. Revigorant et stimulateur de consciences !

T.I.N.A, de et avec Garance Legrou

Collaboration : Alexandre Pavlata et Lucie Reinaudo

Lumière : Fabrice Peineau

Samedi à 21 h

Durée : 1 h 15

Du 8 octobre au 10 décembre 2022

Théâtre la Flèche

77 rue de Charonne

75011 Paris

Réservations : 01 40 09 70 40

www.theatrelafleche.fr

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