Critiques // « Suréna » de Pierre Corneille au Théâtre des Abbesses

« Suréna » de Pierre Corneille au Théâtre des Abbesses

Jan 28, 2011 | Aucun commentaire sur « Suréna » de Pierre Corneille au Théâtre des Abbesses

Critique de Solveig Deschamps

Après l’échec de cette pièce écrite en 1674, Corneille n’écrira plus pour le théâtre.

Une pièce de Corneille, un peu redondante, exagérément amoureuse.

La princesse Eurydice, fille du roi d’Arménie, doit épouser le prince Pacorus , fils du roi Orode, roi des Parthes. Ce mariage va mettre fin à la guerre. Eurydice aime Suréna, lieutenant du roi Orode, général de l’armée. Suréna aime Eurydice. Pacorus aime Eurydice. Palmis, sœur de Suréna, aime Pacorus.
Suréna a gagné la guerre contre les romains, ce qui lui a donné pleins pouvoirs auprès du roi Orode ; le roi craint la gloire de Suréna et ordonne à celui-ci d’épouser sa fille Mandane, seule façon qu’il a de garder la main mise sur son royaume.
L’amour qui unit Eurydice à Suréna rend impossible cette double union.
Ce qui va les conduire à la  mort.

© Cosimo Mirco Magliocca

Brigitte Jaques-Wajeman, qui a dirigé le théâtre de la commune de 1991 à 1997, est une grande spécialiste de Corneille, elle travaille depuis toujours avec François Regnault, co-auteur avec Jean-Claude Milner de « Dire le vers ». Aujourd’hui elle signe la mise en scène de « Suréna » et « Nicomède » qui se jouent en alternance au théâtre des Abbesses, et ce avec la même distribution pour chaque pièce.

Je t’aime, je te veux

Une immense table qui  va être tour à tour la  table de banquet, la table de l’alliance, de la  mésalliance, l’autel ainsi que l’espace des pulsions érotiques. Une immense porte au fond du plateau, côté jardin, d’où vient la lumière comme si on pouvait espérer du dehors un dénouement heureux, alors que tout se noircit à l’intérieur du palais.
Espace scénique sobre qui va souligner la tragédie des jeunes gens qui se déchirent, qui ne peuvent pas être raisonnables puisque l’amour, le désir, sont leurs seuls guides. « La main n’est pas le cœur » dit Eurydice.

© Cosimo Mirco Magliocca

Sensualité et fragilité

Brigitte Jaques-Wajeman a pris le parti de  faire entendre la langue de Corneille , on sent tout de suite qu’il y a un véritable travail sur l’alexandrin malgré une diction parfois un peu trop appliquée qui sans aucun doute va s’assouplir au fil des représentations . L’énergie est là et on se laisse emporter par cette tragédie sentimentale. Cette mise en scène met en relief la jeunesse, tout se passe autour de la table, comédiens qui s’étreignent et s’empoignent, se désirent et se repoussent, corps à corps désespérés des amants, désespoir d’Eurydice qui ira jusqu’à embrasser Palmis, la sœur de Suréna …
Une élégance insolente… Malheureusement  les costumes n’avantagent pas les silhouettes, une volonté de contemporanéité qui influence le comportement physique, comme si la voix n’allait pas avec le corps. Une certaine indolence qui amenuise l’alexandrin.

© Cosimo Mirco Magliocca

Acte 3, Scène 1

Ce qu’il y a de bien au théâtre, c’est qu’il arrive parfois des petits moments de bonheur, et ce petit moment là c’est le roi Orode (Pierre-Stéfan Montagnier) et son lieutenant (Mourad Mansouri) qui nous le procurent au début du troisième acte : pas de doute, quand les comédiens ont de la bouteille les vers passent tout seul… et ils nous entrainent dans cette violente tragédie des « amants sacrifiés »
On sort de la représentation avec l’envie de lire le petit memorandum sur l’alexandrin de François Regnaut, fourni avec le programme, et une envie d’aller voir d’autres classiques, déguster la poésie de cette langue qui n’a vraiment rien de poussiéreux.

« Je le vois bien, seigneur : qu’on m’aime, qu’on vous aime ,
Qu’on ne vous aime pas, que je n’aime pas même »

Suréna, acte IV scène 4

Suréna
De : Pierre Corneille
Mise en scène : Brigitte Jaques-Wajeman
Avec : Bertrand Suarez-Pazos, Raphaèle Bouchard, Pierre-Stéfan Montagnier, Thibault Perrenoud, Pascal Bekkar, Sophie Daull, Mourad Mansouri, Aurore Paris
Collaborateurs artistiques : François Regnault, Alice Zeniter
Scénographie et lumières : Yves Collet
Assistant lumières : Nicolas Faucheux
Costumes : Annie Melza-Tiburce
Accessoires : Franck Lagaroge
Maquillages et coiffures : Catherine Saint-Sever
Musique : Marc-Olivier Dupin
Assistant à la mise en scène : Pascal Bekkar
Stagiaire : Clément Mercier

Du 26 janvier au 13 février 2011

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75 018 Paris – Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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