Critiques // « Stupeur et Tremblements », une adaptation d’Amélie Nothomb par Layla Metssitane

« Stupeur et Tremblements », une adaptation d’Amélie Nothomb par Layla Metssitane

Avr 28, 2011 | Un commentaire sur « Stupeur et Tremblements », une adaptation d’Amélie Nothomb par Layla Metssitane

Critique d’Ottavia Locchi

Une relecture féminine du roman

Qui se souvient du roman autobiographique d’Amélie Nothomb, sorti en 1999 et Grand Prix du Roman de l’Académie Française ? Quelques traces survivent, mais soyons honnêtes, la folie Amélie Nothomb a fait son temps. Cette histoire d’une jeune fille partie travailler au Japon et dont la culture nippone a autant fasciné celle-ci que créé sa chute sociale reste dans les esprits. En effet, le choc des cultures mêlé à l’excentricité de l’auteure provoquait une grande impression. Y a-t-il une place pour une réadaptation du roman tout en restant fidèle à celui-ci ?

Layla Metssitane, jeune comédienne d’origine marocaine, a choisi de parler de la féminité. En sélectionnant des morceaux de choix dans le texte original, elle nous transporte dans le monde de l’entreprise et surtout dans le monde d’une femme confrontée à une culture radicalement éloignée de la sienne. Une perle.

© Sandra Schmidt

Un voyage à travers la “nippone attitude”

Dans « Stupeur et Tremblements », on parle avant tout et surtout de la culture japonaise. Ainsi, le rideau s’ouvre sur une jeune musulmane se métamorphosant en nippone via un maquillage de geisha. Le portrait est sec, clair et les mots n’épargnent pas la dureté des valeurs féminines japonaises « Tu devras être irréprochable, pour cette seule raison que c’est la moindre des choses », « N’espère pas jouir, car ton plaisir t’anéantirait », « S‘il faut admirer la Japonaise – et il le faut -, c’est parce qu’elle ne se suicide pas ».

Amélie parle du monde de l’entreprise. Le dur monde de l’entreprise japonaise, qui n’est pas sans rappeler le nôtre. Sa supérieure, Fubuki, suscite en la jeune femme une admiration sans bornes. Mademoiselle Mori (c’est son nom) est la parfaite incarnation de la japonaise irréprochable, à un point près : les 25 ans révolus, elle n’est toujours pas mariée. Les histoires d’Amélie face à sa supérieure captivent littéralement les spectateurs, car au delà de l’éducation nippone, c’est une femme qui œuvre pour rester femme. Droite, sèche et ne laissant transparaître aucune émotion, elle paraît aussi fine que le supérieur de cette supérieure est âpre et glouton !

La finesse et l’intelligence de Layla Metssitane veut que celle-ci ne cache pas son identité musulmane. Elle en joue, même, avec ses longs cheveux et sa peau mate. S’il est étrange de voir une musulmane se maquiller en geisha, il est facile de la suivre dans son aventure.

Symbolique et jugements

Une minute de silence est imposée avant le lever du rideau. La catastrophe de Fukushima est présente dans les esprits et l’actualité japonaise n’est pas boudée. Si cette pièce parle de ce pays, il n’y a jamais, ô grand jamais aucun jugement. Layla Metssitane nous dit : « Stupeur et Tremblements (…) est une vision humble, drôle et intelligente d’une jeune femme confrontée à un monde nouveau. Le message pourrait être : Observons bien, écoutons bien, avant de juger hâtivement l’Autre ».

L’identité culturelle de la comédienne est mise en scène comme un clin d’œil : pour ouvrir et clore la pièce, elle apparaît vêtue d’une niqab, le livre d’Amélie Nothomb à la main. Pour interpréter le personnage d’Amélie le long de la pièce, elle se déshabille et se farde en nipponne. Cette métamorphose s’opère à travers le rituel féminin universel du maquillage. Les gestes sont gracieux, précis. C’est à ce moment là qu’elle incarne, à elle seule, toutes les femmes de la terre et leurs histoires…

« Ces blancs, se rendent-ils compte qu’ils sentent le cadavre ?! »

Avec humour et poésie, Layla Metssitane retrace le roman d’Amélie Nothomb à travers une vision très personnelle. Dotée d’une table basse et d’un mannequin vêtu d’un tailleur comme simple décor, elle œuvre avec un corps méticuleux et des gestes nets qui ne sont pas sans rappeler les corps cadrés des danseuses asiatiques, et quelques feuilles en guise d’accessoires.

« Stupeur et Tremblements » a trouvé un second souffle dans la générosité de Layla Metssitane. L’histoire de cette jeune femme voulant devenir Dieu et finissant nettoyeuse de chiottes se transforme en pièce de qualité, émouvante et captivante.

Stupeur et Tremblements
De : Amélie Nothomb (Ed. Albin Michel, 1999)
Adaptation, mise en scène et interprétation : Layla Metssitane / Compagnie Théâtre des Hommes

Du 18 mars au 22 mai 2011

Théâtre du Petit Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles, 75 017 Paris – Réservations 01 42 93 13 04
www.petithebertot.fr

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Lundi 23 mai 2011 à 19h30 » Soirée spéciale Solidarité Japon
Studio Raspail 216 Bd Raspail, 75 014 Paris – Réservations : 01 40 05 01 18 ou stupeurettremblements.prod@gmail.com

Reprise du 22 septembre au 2 octobre 2011
Petit Théâtre Odyssée – L’Escale
25 rue de la Gare, 92 300 Levallois – Réservations 01 47 15 74 56

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