ƒƒƒ article de Denis Sanglard

© Les Comédiens Voyageurs

Au théâtre, citoyens, au théâtre ! Soulèvement(s) interroge la légitimité d’un peuple à se soulever. Quand, pourquoi, comment. La révolution française, matrice des révolutions contemporaines imprègne encore de ses valeurs universelles les révoltes des peuples redevenus souverains pour se libérer d’un ordre qu’on pensait, à tort, immuable. Cette création collective, ce chœur à trois voix (Valérie Dréville, Marcel Bozonnet, Richard Dubelski) fait résonner des évènements historiques qui découlèrent directement de la révolution française : l’insurrection de Saint Domingue en 1791, la révolte du sucre de janvier 1792, et l’occupation de l’assemblée nationale par le peuple en 1792. En écho résonnent les récits, les témoignages de citoyens acteurs du printemps arabe, la révolte en Egypte, en Tunisie, en Syrie. Des rapprochements féconds qui ouvrent une formidable réflexion sur l’origine profonde et la dynamique des soulèvements. Ce qui est en œuvre soudain, cette énergie libérée, c’est le droit d’un peuple soumis qui s’ébroue et se libère, ou tente de se libérer, de son joug. C’est une création d’une merveilleuse simplicité. Pas de grands effets, pas de spectaculaire. Rien que la parole, son flux, son débit parfois précipité, dans un souffle, et des corps d’une formidable énergie qui transmettent, traduisent ce mouvement, la fébrilité d’un peuple, celui de l’Histoire en marche, que rien ne semble pouvoir arrêter. On tape sur des poubelles et c’est Paris, Saint Domingue ou la Place Tarhir qui gronde. On danse et c’est le Faubourg Saint Marcel qui bascule dans la révolte, c’est un peuple enfin qui fait corps et une révolution qui explose. On se fige et c’est une foule d’anonymes, de Tunis, d’Egypte ou de Syrie, qui apprend à courir pour ne plus renoncer à sa souveraineté et «  aux droits imprescriptibles de l’homme ». Valérie Dréville, Marcel Bozonnet, Richard Dubelski vibrent comme leurs tambours de fortune. Engagés véritablement dans ces récits qui se télescopent, heureux et fin montage, ils sont l’espoir, la peur, la joie, la colère… ils sont tous ces citoyens engagés dans l’inconnu pour un avenir meilleur. Ou son échec. La force des récits (Robespierre, Mirabeau, Aimé Césaire… dont la valeur n’est en rien supérieure au simple témoignage de citoyens anonymes) tient aussi à la conviction non feinte de ces trois formidables comédiens. On ne joue plus vraiment ici. L’engagement n’est pas seulement celui du comédien mais bien du citoyen. C’est un théâtre engagé, un espace de réflexion sur notre présent aux valeurs universelles bousculées au regard du passé, précisément de la révolution française qui vit un peuple se déclarer souverain. Soulèvement(s), en s’interrogeant avec intelligence, en s’effaçant aussi derrière les acteurs de son sujet, les citoyens, redonne au théâtre son sens premier, fondamental, celui du politique, l’endroit de la Cité. « Imaginons un monde sans théâtre ! Il n’y aurait plus rien entre l’état et le citoyen.» a écrit Michel Bouquet*. C’est justement ce lien qui ici est renoué. Et que ce soit à la Maison des Métallos n’en prend que plus de valeur.

(* in « La leçon de comédie » Ed Maisonneuve & Larose / Archambaud)

Soulèvement(s)
Texte Marcel Bozonnet et Judith Ertel avec la collaboration de Sophie Wahnich
Création avec Valérie Dréville, Marcel Bozonnet, Richard Dubelski
Musique originale Richard Dubelski
Chorégraphie Marie Orts
Scénographie et costumes Renato Bianchi assisté de Camille Vallat
Création lumière Nicolas Barraud
Dramaturgie Judith Ertel

Du 9 au 25 octobre 2015
Du mardi au vendredi à 20h, samedi à 19h, dimanche à 16h

Maison des Métallos
94, rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 Paris
M° Couronne
Réservations 01 47 00 25 20
www.maisondesmetallos.org

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