Critique d’Audren Destin –
« Voué par le destin à un désœuvrement constant, je ne faisais positivement rien. Je regardais des heures entières, par les fenêtres, les oiseaux, les allées ; je lisais tout ce qu’on m’apportait de la poste ; et je dormais. Parfois je quittais la maison et errais au hasard jusqu’au soir, tard. »
Tchekhov, La Maison à Mezzanine.
Dans le cadre de l’année France-Russie, le collectif de metteurs en scène Spectacle Laboratoire présente au Théâtre de l’Atalante les soirées Tchekhov. Chaque soirée est composée de deux spectacles d’après des nouvelles d’Anton Tchekhov et c’est au total six mises en scène qui sont jouées en alternance (Volodia le grand et Volodia le petit, Récit d’un inconnu, Le Pari, Le Moine noir, Ma vie, La Maison à Mezzanine)
La Maison à Mezzanine | © Laurencine Lot
Les membres du collectif, tour à tour comédiens et metteurs en scène proposent une relecture des nouvelles de Tchekhov en s’appuyant sur une question centrale qui traverse toute son œuvre : « la vie humaine s’affirmant plus forte entre deux mondes, intermédiaire entre l’absolu et la respiration du quotidien ». Il ne s’agit pas ici d’une lecture conventionnelle de l’œuvre de Tchekhov qui suivrait la narration dans ses moindres détails mais d’une véritable recherche pour s’approcher au plus près de l’essence de l’œuvre, de la langue de Tchekhov et d’en trouver le juste équivalent scénique. Les cinq metteurs en scène sont en cela fidèle à la méthode d’expérimentation, à « l’esprit de laboratoire » propre à Anatoli Vassiliev dont ils ont été les élèves. Tchekhov, qui a écrit plus de six cents nouvelles, offre un matériau inépuisable de personnages, situations, atmosphères, dialogues et chaque membre du collectif propose une approche personnelle des grands thèmes que l’on retrouve dans son œuvre : le travail, l’instruction, l’union libre, l’utilité sociale, la vérité et l’espoir d’un monde meilleur.
« Je revins à la maison avec le sentiment d’avoir fait un beau rêve »
Le Pari | © Laurencine Lot
Dans La Maison à Mezzanine, on assiste à la construction d’un monde. Dans la blancheur d’une journée d’été, deux personnages semblent s’émerveiller de tout ce qui les entourent, ils gambadent joyeusement, ramassent des champignons, jouissent de l’instant. Comme souvent dans l’œuvre de Tchekhov on retrouve ici le conflit entre l’oisiveté et le travail, l’action et la contemplation.
Dans Le récit d’un inconnu, l’atmosphère est plus pesante, plus sombre, « un homme vivant ne peut pas ne pas se sentir touché et désolé quand il observe sa perte et autour de lui celle des autres ».
Ces deux spectacles forment une harmonie et l’on ressort du théâtre avec le sentiment d’avoir fait un rêve étrange et avec le désir d’y retourner.
« La mer, les montagnes, les nuages, le vaste ciel, Gourov songeait qu’au fond, à bien y réfléchir, tout est beau ici-bas, tout excepté ce que nous pensons et faisons quand nous oublions les buts sublimes de l’existence et notre dignité d’homme. » Tchekhov, La Dame au petit chien.
Soirées Tchekhov
D’après : Anton Tchekhov, « Vladimir le grand et Vladimir le petit », « Le Pari », « Le Moine noir », « Ma vie », « La Maison à mezzanine »
Par : le Collectif Spectacle Laboratoire (collectif de metteurs en scène-acteurs)
Mise en scène : Agnès Adam, Stéphanie Lupo, Yves Beauget, Cédric Jonchière, Stéphane Poliakov
Avec : Agnès Adam, Catherine Baugé, Yves Beauget, Vijaya Bechis Boll, Elena Cotugno, Cédric Jonchière, Stéphane Lara, Vincent Le Gal, Stéphanie Lupo, Florent Masse, Olivier Pilloni, Stéphane Poliakov, Gaia Saitta, André Scioblowski
Directeur artistique : Anatoli Vassiliev
Collaboratrice : Natalia Isaeva
Assistante : Olga Samokhotova
Traduction : Stéphane Poliakov
Lumières : Frédérique Steiner SarrieuxDu 21 mai au 21 juin 2010
Théâtre de l’Atalante
10 place Charles Dullin, 75 018 Paris – 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com