Critiques // « Sainte dans l’Incendie » de Laurent Fréchuret à la Maison de la Poésie

« Sainte dans l’Incendie » de Laurent Fréchuret à la Maison de la Poésie

Mai 07, 2010 | Aucun commentaire sur « Sainte dans l’Incendie » de Laurent Fréchuret à la Maison de la Poésie

Critique de Bruno Deslot

La légende est bien vivante à la Maison de la Poésie

De Domrémy à Orléans, de Reims au bûcher, la petite paysanne de légende parcoure la complexité d’une histoire de France réinventée avec les mots de Laurent Fréchuret, directeur du Théâtre de Sartrouville, qui échafaude une folle épopée fantaisiste et héroïque dans un poème dramatique aussi foisonnant que surprenant.

Dans la petite salle voûtée de la Maison de la Poésie, dans une ambiance presque monacale, l’odeur des lattes de bois recouvrant le sol annonce déjà la fin de l’histoire ou du moins prépare le terrain de jeu sur lequel Laurence Vielle, une heure durant, s’approprie avec une finesse toute exceptionnelle, les errances de la petite paysanne de l’Est. Jeannette aime se rendre chaque dimanche à la chapelle de Bermont, près de Greux, pour y prier. Un franc-parler ainsi qu’un sens de la répartie d’une étonnante spontanéité, tempèrent une profonde sensibilité face aux horreurs de la guerre et aux mystères de la religion. Treize ans déjà, et les voix célestes, des saintes Marguerite, Catherine et de l’archange Saint-Michel lui demandent d’être pieuse, de libérer le royaume de France de l’envahisseur et de conduire le dauphin sur le trône. Un vaste programme pour la jeune fille qui après deux échecs, commande une escorte qu’elle mènera jusqu’à Chinon pour rencontrer le dauphin et lui faire part de sa mission. Habillée comme un homme, équipée d’une armure et d’une bannière blanche frappée de la fleur de lys, Jeanne part en campagne et enchaîne les étapes décisives qui la mèneront jusqu’au bûcher.

Avec une étonnante maîtrise de l’adresse au public, Laurence Vielle est sur tous les fronts et passe aisément d’un personnage à l’autre pour toujours mieux retrouver celle qu’elle incarne avec autant de justesse, celle dont elle s’est appropriée toute la singularité. Avec une apparente légèreté et une puissante nature comique, Laurence Vielle interprète le bel ouvrage de Laurent Fréchuret dans une suite de variations auxquelles elle donne un chromatisme d’une vivacité déconcertante. Un parcours athlétique à travers les flammes de la passion, Laurent Fréchuret nous livre une composition abrasive dont les mots, comme des flèches, atteignent la cible inattendue d’une épopée improbable, celle de Jeanne d’Arc, à propos de laquelle on a tant glosé. Echafaudant la chronologie d’une destinée mystique, les événements s’enchaînent avec rythme, menant les personnages du drame d’un bout à l’autre de l’histoire dans un tourbillon iconoclaste d’images aussi attendrissantes que poignantes. L’auteur entretient un rapport aussi passionné que distancié avec la fable qu’il raconte et plonge le spectateur dans une ambiance oscillant entre le réel et l’irréel.

Habillée d’une robe noire, rehaussée d’un bouton rouge, fragile et possédée, Laurence Vielle prend possession des lieux avec une timidité affirmée, une innocence qui la mènera jusqu’à l’incendie tragique de son funeste destin. Un jeu singulier, caractérisé par une nature comique, une diction empruntée et une précision dans le geste qui lui permettent de proposer un jeu nuancé et toujours sur le fil de l’émotion. Elle gère les ruptures de rythme d’une partition complexe avec le talent d’une grande virtuose.

Sainte et conquérante, elle brûle les planches avant l’incendie final. Un moment salvateur d’une grande intensité pour redécouvrir un personnage mythique.

Sainte dans l’Incendie
Texte et mise en scène : Laurent Fréchuret
Avec : Laurence Vielle
Lumière : Antoine Gallienne
Répétitrice : Marilou Vannes

Du 5 au 30 mai 2010

Maison de la Poésie
Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75 003 Paris
www.maisondelapoesieparis.com

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