Critiques // « Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès au Théâtre de la Tempête

« Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès au Théâtre de la Tempête

Mai 10, 2010 | Aucun commentaire sur « Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès au Théâtre de la Tempête

Critique de Bettina Jacquemin

Un peu plus près de la liberté

Roberto Zucco s’évade par les toits de la prison où il vient d’être incarcéré pour le meurtre de son père. Sous l’œil même des gardiens… De retour dans l’appartement familial, il assassine sa mère. Commence alors une longue cavale durant laquelle le meurtrier conduit à la mort tous ceux qui croisent sa route. Une course meurtrière bouleversant les destins de ceux qui le rencontrent. Inspirée d’un fait divers, l’œuvre de Bernard-Marie Koltès donne un coup de projecteur sur celui qui poursuit une quête dont il est le seul à connaître l’aboutissement.

Comme un hippopotame

C’est à la Cartoucherie que Pauline Bureau met en scène l’adaptation de cette course folle par Koltès. Les différents tableaux se succèdent. A chaque « destin », son plateau et son décor. La musique, puissante comme il faut, s’associe à une juste présence des lumières. Les projecteurs éclairent en effet un Roberto Zucco, alors en scène mais dont on avait pas décelé la présence. Tel son parcours dans la société. Un caméléon, écrit Koltès. Le ton est donné. Le voyage en sa compagnie risque d’être intense.
Vêtu d’un treillis, Roberto Zucco, rencontre une jeune adolescente dont il va abuser sexuellement. Les prostituées d’un bordel situé dans le « Petit Chicago » et un vieux monsieur, enfermé dans le métro croisent également sa route. Un inspecteur de police et un jeune garçon dont la mère est prise en otage par l’assassin en seront les victimes. Roberto Zucco continue son chemin sans que rien ne l’arrête. «  Je suis comme un hippopotame enfoncé dans la vase et qui se déplace très lentement et que rien ne pourrait détourner du chemin ni du rythme qu’il a décidé de prendre », dira t-il au vieux monsieur…

« Vous bégayez, très légèrement ; j’aime beaucoup cela »

La présence de Roberto rassure ce vieux monsieur, piégé par la fermeture des grilles du métro. Ce dernier, attendri par le léger bégayement du jeune homme, lui demande même, au petit matin de l’accompagner vers la sortie. Jean-Claude Sachot prête son œil attachant, nécessaire à ceux que le meurtrier captive. Géraldine Martineau, gamine à souhait, interprète quant à elle, celle qui tombe amoureuse. Elle s’engage dans un long périple pour retrouver celui qui se présente à elle comme un agent secret et qui restera, pour la jeune fille l’amour d’une vie. Le regard de Roberto Zucco « donne envie de pleurer », écrit Koltès. Il agit, on ne sait comment ? Ceux qui croisent la route de l’assassin succombent.

Le rêve d’être invisible

Interpréter Robert Zucco ? Il fallait réussir à associer l’apparence paisible d’un personnage, face à laquelle capitulent un vieux monsieur, une jeune adolescente et bien d’autres et la folie imperceptible qui pousse au pire. Alexandre Zeff incarne Roberto Zucco. Le jeune comédien exprime la complexité d’un personnage en quête. Mais en quête de quoi ? Quel est l’objectif d’une telle folie meurtrière ?

La mise en scène prend partie de proposer une succession brute des différents fragments de vie. Cette accumulation provoque quelques longueurs. Roberto Zucco paraît même inexistant lorsqu’il prend en otage une mère de famille dans un parc. Mais, la quête retrouve vite son rythme. L’assassin tue froidement le jeune fils de son otage et reprend sa course folle. Une « montée vers le soleil » selon Pauline Bureau. « L’ancien, le très ancien rêve d’être invisible » pour Koltès/Roberto Zucco. Une liberté à laquelle le jeune homme accède en se suicidant  lors d’une nouvelle évasion…Par les toits de la prison, toujours plus près des étoiles.

Roberto Zucco
De : Bernard-Marie Koltès
Mise en scène : Pauline Bureau
Avec : Yann Burlot, Mikaël Chirinian, Nicolas Chupin, Sonia Floire, Régis Laroche, Marie-Christine Letort, Géraldine Martineau, Lionel Nakache, Marie Nicolle, Aurore Paris, Jean-Claude Sachot, Catherine Vinatier et Alexandre Zeff
Dramaturgie : Benoîte Bureau
Scénographie : Emmanuelle Roy
Lumières : Jean-Luc Chanonat
Son : Vincent Hulot
Costumes : Alice Touvet
Collaboration artistique : Mikaël Chirinian

Du 6 mai au 6 juin 2010

Théâtre de la Tempête
La Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75 012 Paris – Réservations : 01.43.28.36.36
www.la-tempete.fr

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