ƒƒƒ article de Denis Sanglard

© Tristan Jeanne-Valès

Un Richard III étonnant, épatant, d’une invention formidable, une machine à jouer, un théâtre de foire tragique et sanglant, un jeu expressionniste et bouffon… C’est l’histoire d’un clown blafard, tragique, forcement tragique, qui en pyjama rayé et fraise autour du cou s’empare d’un rôle monstrueux. Dans son castelet de fête foraine, à trappes et tiroirs, aux rideaux rouge sang, il est le roi. Et face à lui, pour tous les autres personnages, tous, une clownesse, une ogresse. Transformiste sublime, Fregoli en pleine folie, être hybride en métamorphose perpétuelle délicate et furieuse de la voix aux costumes. Âme damnée ou victime de Richard, les deux à la fois, c’est un carrousel infernal entre apparition et disparition. Deux sacrés monstres s’enfonçant dans la folie d’une représentation non moins génialement monstrueuse. Jean Lambert-wild et Elodie Bordas. Deux heures d’une création radicale, étonnamment claire et lumineuse dans la noirceur poisseuse. C’est un cauchemar burlesque que souligne, pour qui connaît son étrange univers, la scénographie de Stéphane Blanquet, ce castelet infernal, train fantôme sans wagon, palais du rire figé dans un rictus d’horreur, mais peuplé de fantômes étranges, d’ectoplasmes tremblants qui surgissent comme des diables de leurs boites et pour hanter bientôt nos deux histrions enfarinés. C’est un théâtre élisabéthain miniature, un théâtre à mansions démultipliant à l’envie l’espace et le temps, où l’on joue à jouer comme de sales gosses au jeu magique, tragique du si. Un lieu de transformations, de métamorphoses, aux effets de fête foraine devenus sanglants. Ballons et chamboule-tout, barbe à papa, prennent mystérieusement vie… Entre effet mécanique classique et technologie sophistiqués, poudre de perlimpinpin et illusions 3D, l’effet théâtral et de surprise, entre surréalisme noir et fantastique angoissant, est garanti. Sombre et baroque poésie au magasin de farces et attrapes pour un cauchemar éveillé, les yeux grands ouverts sur l’abomination. Car nous sommes au théâtre, superbement dénoncé. Jeu frontal affirmé, adresse au public, c’est Shakespeare à la foire, avec trois fois rien, théâtre de tréteaux en prise direct avec les spectateurs, complices joyeusement effarés, effrayés et jamais dupes devant ces pantins terrifiants qui manient le rire et l’horreur comme d’habiles bonimenteurs devant leurs attractions. Jean Lambert-wild, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Stéphane Blanquet et Jean-Luc Therminarias signent collectivement une création pleine de trouvailles poétiques, d’images folles et enfantines. C’est un conte noir et baroque que cette mise en scène, abrasif, cruel mais une œuvre génialement ludique et grotesque, fidèle à Shakespeare, à la fable, dans cette capacité à recréer le monde sur un plateau. Un monde grotesque et terrifiant parce que vu avec le regard d’un pauvre clown tout aussi grotesque mais terrifié. Fragile comme son armure de porcelaine, superbe et insensée trouvaille, qu’il revêt pour son ultime combat…

Richard III – Loyauté me lie d’après Richard III
de William Shakespeare, spectacle de jean Lambert-wild, Elodie Bordas, Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Jean-Luc Therminarias et Stéphane Blanquet
Direction Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra et Gerald Garutti
Avec Elodie Bordas et Jean Lambert-wild
Musique et spatialisation en direct Jean-Luc Therminarias
Scénographie Stéphane Blanquet et jean Lambert-wild
Lumière Renaud Lagier
Costumes Annick Serret-Amirat
Maquillage Catherine Saint-Sever
Armure en porcelaine de Limoges conçue, dessinée et peinte par Stéphane Blanquet
Accessoires et marionnettes Stéphane Blanquet et Olive

Du mardi au samedi à 20h
(Relâche les dimanches et lundis)

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
route du champ de manœuvre
75012 Paris
Réservations 01 43 74 72 74
www.theatredelaquarium.com

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