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Critique • « René l’énervé », opéra bouffe et tumultueux de Jean-Michel Ribes au Rond-Point

Sep 12, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « René l’énervé », opéra bouffe et tumultueux de Jean-Michel Ribes au Rond-Point

Critique de Bruno Deslot

Dix ans déjà et ça tourne toujours au Rond-Point

Dix ans déjà que Jean-Michel Ribes sévit au Théâtre du Rond-Point où la « parole libre » conjugue l’amour à l’humour, l’audace à la découverte. Pour couronner cette décennie, J.M.R (histoire d’être tendance !!!) propose un véritable jeu de massacre dans la joie et la bonne humeur pour faire la fête à une classe politique qui déchante !

© Giovanni Cittadini Cesi

Napoléon en 1851, de Gaulle en 1958, Mitterrand en 1981 voici René en 2011, « l’homme de la situation », petit bonhomme en survêtement courant dans tous les sens, nommé chef d’un pays imaginaire avec pour seul slogan « courir et laisser dire » ! Fils d’un épicier qui aurait pu être lui aussi chef, mais de rayon, la roue tourne et c’est le fils René qui dresse son escouade peuplée d’énarques serviles et dociles pour emprunter les chemins du pouvoir ! En fauteuil roulant, les jambes recouvertes d’un plaid, Mitterrand annonce qu’il laisse sa place après 30 années de loyaux services ! Le fossile rejoint le service paléontologie du Panthéon des « lieux de mémoire » pendant que l’ensemble des politiciens s’agitent… enfin en théorie ! L’opposition s’endort dans sa structure à ciel ouvert la tête écrasée sur un édredon car en politique le sommeil est une opinion, semble-t-il ! Hurzfuller/Hortefeux tente d’organiser les événements, Ginette/Royal, fidèle à elle-même, nous laisse sans voix et Gengis Khan/DSK tente de finaliser une analyse économique reposant sur du vent !

Ça chante, ça danse et la drôlerie de cette bonne pochade observe un rythme qui ne faiblit jamais pour une composition toujours plus relevée notamment quand Hurtzfuller/Hortefeux, futur ministre de la Carotte et du Bâton interprète avec conviction : « J’aime l’Arabe quand il est blond/Quand il se nourrit de jambon/J’aime l’Arabe aux yeux bleus/Quand il n’est pas trop nombreux… ».

© Giovanni Cittadini Cesi

Des personnages haut en couleurs interviennent de manière impromptue comme ces philosophes « écolos et bios » conceptualisant le non conceptuel ou les Cons de la Nation dont la parole inquiète, car pour J.M.R il ne s’agit plus de rire lorsque l’on banalise le propos comme le fait le FN. L’apparition surprenante du double de René met en perspective la manière dont une personne peut être différente dès lors qu’elle est enrôlée dans les arcanes du pouvoir et que la mégalomanie la transforme en une autre !

Entre personne et personnage, la politique fait son spectacle et J.M.R fait de la politique un spectacle fondu dans une partition riche, colorée et cadencée, accompagnant l’interprétation des protagonistes de l’opéra avec une finesse et une sournoiserie détonantes. La composition de Reinhardt Wagner donne une couleur musicale à chaque personnage tout comme ces 200 costumes réalisés pour l’occasion. Les couleurs sont rayonnantes pour éclairer un espace scénique sur lequel évoluent quatre structures à étages depuis lesquelles les personnages surgissent ou s’échappent. La scénographie est à l’image du monde politique, toujours en mouvement et très hiérarchisé. On y entre par la grande porte pour en sortir discrètement par la petite. On s’accroche à la barre afin de ne pas moisir dans les couloirs d’un ministère ou l’on revient en force sans craindre la peur du vide ! Il y a donc du monde sur scène : 21 chanteurs-comédiens, 6 musiciens, 1 baguette, des vidéos de Pierrick Sorin, mais aussi de nombreux lieux nomades comme le salon de coiffure de Gengis Khan/DSK, le restaurant où l’humoriste Jobar et le chanteur Conjay fêtent la victoire de René et ce choeur antique totalement kitch composé d’Electre, Achille, Yannick et Monique de Belgique toujours présent pour expliquer de manière didactique l’évolution de la situation.

© Giovanni Cittadini Cesi

Le ton est donné dès les premières notes mais les grincements de dents se font très vite attendre ! « La parole libre » du Rond-Point tourne en rond et l’on peine à sourire durant 2h30 de spectacle. Dès lors que René débute sa course et la classe politique avec, aucun risque d’essoufflement le propos est lisse, prévisible et bien peu décapant ! Quelques bonnes brèves de comptoir récupérées à la hâte dans un troquet parisien auraient sans doute été plus drôles. Le réel et l’imaginaire se serait télescopés de manière tout aussi percutante mais avec un franc-parler, un grain de folie qui manque totalement à la proposition.

A quelques mois de la présidentielle, les prises de risques sont tout de même contrôlées et même si René/Sarkozy en prend pour son grade le politiquement correct demeure la règle d’or pour un théâtre subventionné par la Ville de Paris et par l’Etat. Pourtant, J.M.R se défend de ne « pas être un sous-préfet aux ordres » !

René l’énervé
Opéra bouffe et tumultueux

De et mis en scène : Jean-Michel Ribes (Ed. Actes Sud Papiers)
Compositeur : Reinhardt Wagner (disponible en CD chez Silène éditeurs ; en téléchargement avec Believe sur iTunes, Virgin et Fnac à partir du 19 octobre)
Interprètes : Sophie AngeBault, Caroline Arrouas, Camille Blouet, Sinan Bertrand, Gilles Bugeaud, Claudine Charreyre, Benjamin Colin, Till Fechner, Emmanuelle Goizé, Sophie Haudebourg, Sébastien Lemoine, Jeanne-Marie Lévy, Thomas Morris, Antoine Philippot, Rachel Pignot, Alejandra Radano, Guillaume Severac-Schmitz, Fabrice Schillaci, Gilles Vajou, Jacques Verzier, Benjamin Wangermée
Musiciens : Emelyne Chirol, Noémie Poumet, Laurent Desmurs, Jean-Yves Dubanton, Ghislain Hervet, Maëva Le Berre, Dominique Vernhes
Vidéo : Pierrick Sorin
Scénographie : Patrick Dutertre
Costumes : Juliette Chanaud
Lumières : Fabrice Kebour
Chorégraphie : Lionel Hoche
Son : Samuel Gutman, Guillaume Monard
Perruques et maquillages : Cécile Larue
Orchestration : Reinhardt Wagner, Steve Journey
Direction musicale : Delphine Dussaux

Du 7 septembre au 29 octobre 2011
Du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 15h

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D.Roosevelt, Paris 8e – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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