Critiques, Entretiens // Rencontre • John Malkovich et sa mise en scène des « Liaisons Dangereuses » au Théâtre de l’Atelier

Rencontre • John Malkovich et sa mise en scène des « Liaisons Dangereuses » au Théâtre de l’Atelier

Jan 13, 2012 | Un commentaire sur Rencontre • John Malkovich et sa mise en scène des « Liaisons Dangereuses » au Théâtre de l’Atelier

Rencontre de Audren Destin

D’abord il y eu la pierre, puis l’argile, utilisées par des hommes rudes mais habiles. Ensuite ce fut le papyrus, puis le parchemin, qui donna naissance au premier best-seller de l’histoire du monde : La Bible. Enfin l’homme découvrit le papier et l’imprimerie, la machine s’emballa, les esprits les plus éminents se penchèrent sur la question, et en moins de temps qu’il ne faut pour écrire LOL, l’écran tactile fit son apparition. Durant ce temps, les sociétés et les hommes évoluèrent, mais pas les passions qui les animent : l’amour, la trahison, la jalousie, le pouvoir, la vengeance, sont aujourd’hui, comme aux premiers temps du monde, des sentiments qui jalonnent notre vie, hantent nos rêves et blanchissent nos nuits.

Le monde change sans cesse mais la nature humaine reste toujours identique à elle-même

C’est pour cette raison que John Malkovich, plus de vingt ans après avoir interprété le rôle de Valmont dans le film de Stephen Frears, s’est replongé dans l’oeuvre de Choderlos de Laclos en choisissant de l’adapter d’une manière résolument moderne. Une adaptation qui, tout en respectant la beauté de la langue française du 18ème siècle, s’ancre dans le monde actuel et ses nouveaux moyens de communications : mails, Facebook, Tweeter… etc. Réunir les fidèles de la tradition romanesque et la génération Facebook, tel est le pari qu’a voulu relever John. Du moins, tel était le pari qu’il s’était fixé…. Mais reprenons dans l’ordre.

Lundi 9 janvier a eu lieu au théâtre de l’Atelier la répétition générale des Liaisons dangereuses. À cette occasion, blogueuses et blogueurs étaient conviés. S’en est suivi un pot avec les comédiens et John Malkovich. À ce sujet, je dois dire que j’ai été agréablement surpris par la simplicité et l’accessibilité de l’équipe. Alors qu’il n’est pas toujours aisé d’interviewer les metteurs en scène, ni même de les rencontrer, ce fut avec John Malkovich d’une facilité déconcertante. Affable, calme, posé, parlant un très bon français, il s’est rendu entièrement disponible à tous ceux qui souhaitaient lui poser des questions ou simplement le prendre en photo.

Avec beaucoup d’intelligence et de bienveillance, John Malkovich passe le relais à la nouvelle génération

Pour cette pièce, John Malcovich a fait un long travail de casting parmi environ 300 jeunes élèves des Conservatoires et Cours d’art dramatique. Un travail qui a porté ses fruits, car les acteurs sont tous excellents. On sent une véritable cohésion sur le plateau, un esprit d’équipe, un enthousiasme, on sent qu’il se passe véritablement quelque chose, c’est une des premières qualités de cette mise en scène. Les comédiens sont présents sur scène tout au long du spectacle, entourant le cercle de jeu lorsqu’ils ne jouent pas, ce qui apporte beaucoup de dynamisme à l’ensemble. Loin des grands décors et des grands effets, John Malkovich est revenu à une manière très simple de faire du théâtre, c’est à dire qu’il s’est concentré sur l’essentiel : le texte et l’émotion, en laissant de côté tout ce qui pouvait freiner le développement de l’intrigue. Pas de costumes d’époque mais des rappels qui évoquent le XVIIIème siècle tout en le mélangeant avec des habits modernes. Pareil pour les décors, très simples, minimalistes, ils évoquent le passé mais également le présent. Finalement on ne saurait dire où et quand se déroule l’intrigue et cela a au fond peu d’importance, car encore une fois, ici, seule l’émotion importe. Dans cette histoire, Choderlos de Laclos a disséqué le sentiment amoureux, il a appliqué la stratégie militaire au libertinage. Pour Valmont, les femmes sont des places fortes dont il faut s’emparer. C’est toute l’histoire de ce combat qui est ici mis en scène avec beaucoup de justesse et de précision, jusqu’au duel final qui est particulièrement réussi.

Mais alors, qu’en est-il de cette histoire de textos, de sextos, de tweets, de mails et de mms ?

Il faut bien avouer que la présence des nouvelles technologies est relativement restreinte, elle se limite à un téléphone qu’on sort de sa poche de temps en temps ou une tablette qu’on se passe mais sans véritablement différencier leur usage de celui que pourrait avoir une simple lettre. Cela reste anecdotique, en dessous de ce à quoi l’on pouvait s’attendre après avoir lu la note d’intention. J’ai donc tout naturellement demandé à John Malkovich s’il avait rencontré des difficultés particulières à l’intégration de ces nouvelles technologies dans la mise en scène. Ce à quoi il m’a répondu qu’en effet, il avait revu à la baisse ses intentions initiales. Il pensait au départ utiliser de la vidéo et faire de ces outils numériques un élément important de la pièce, voire omniprésent, mais c’est en essayant différentes choses qu’il s’est rendu compte que, loin de porter et d’enrichir l’intrigue, ces éléments ne faisait que la perturber en cassant le rythme du texte. C’est ainsi qu’il est revenu à une forme plus classique de mise en scène et a laissé les vidéos au vestiaire. Ce qui revient finalement à dire qu’en matière d’expression, le support importe finalement peu tant que les idées et les sentiments peuvent s’épanouir.

Les Liaisons Dangereuses
D’après : Choderlos de Laclos
Adaptation pour le théâtre : Christopher Hampton
Version française :  Fanette Barraya
Mise en scène :  John Malkovich
Avec : Sophie Barjac, Jina Djemba, Rosa Bursztejn, Lazare Herson-Macarel, Mabô Kouyaté, Yannik Landrein, Pauline Moulène, Julie Moulier, Lola Naymark.
Décor : Pierre-François Limbosch
Costumes : Mina Ly
Lumières : Christophe Grelié
Musique : Nicolas Errèra
Maître d’armes : François Rostain

A partir du 12 janvier 2012
Représentations du mardi au samedi à 20h, matinées samedi et dimanche à 16h

Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin, Paris 18e
Métro Abbesses, Anvers – Réservations 01 46 06 49 24
www.theatre-atelier.com

Site de la pièce: lesliaisonsdangereuses.fr

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