Entretiens // Rencontre avec l’auteur et metteur en scène Pierre Notte

Rencontre avec l’auteur et metteur en scène Pierre Notte

Jan 19, 2010 | Aucun commentaire sur Rencontre avec l’auteur et metteur en scène Pierre Notte

une rencontre de Bruno Deslot

Un succès consacré ! Pierre Notte a ouvert la résidence que lui consacre Les Déchargeurs tout au long de sa saison 2009/10 par la mise en scène de sa pièce Les Couteaux dans le dos, reprise au Théâtre La Bruyère à partir du 28 janvier 2010. Le spectacle sera en tournée en France et à l’étranger dès octobre 2010. Au cours de cette tournée, le spectacle participera en novembre prochain au Festival d’automne de Pazardjik (Bulgarie) organisé par le Théâtre dramatique national Constantin Velitchkov dont le directeur Vladlen Alexandrov présentera parallèlement sa version bulgare de la pièce. Avant de reprendre en octobre dernier au Théâtre du Rond-Point son cabaret J’existe (foutez-moi la paix) créé aux Déchargeurs en 2006, le mois d’octobre a vu paraître le premier album de Pierre Notte J’existe (et je danse) interprété avec Marie Notte et le PMB trio. En tournée depuis décembre 2009, le cabaret J’existe (foutez-moi la paix) sera représenté au mois de mai prochain au Madina Theater de Beyrouth (Liban), puis à Dubaï (E.A.U.) et à Abu Dhabi (E.A.U.) en collaboration avec l’Alliance française de Dubaï. La résidence aux Déchargeurs s’est poursuivie avec la création du Cabaret des familles en novembre dernier, en compagnie de Marie Notte et du PMB trio, puis se prolongera avec, pour la première fois, un spectacle pour tous écrit par Pierre Notte, mis en scène par Sylvain Maurice : Bidules, trucs. L’invitation faite à Pierre Notte se clôturera par la présentation de la version bulgare (sous-titrée en français) de sa pièce Moi aussi, je suis Catherine Deneuve dans une mise en scène de Vladimir Petkov.

À l’occasion des représentations de la pièce « Les Couteaux Dans le Dos » au Théâtre La Bruyère, Bruno Deslot a rencontré l’auteur et metteur en scène Pierre Notte.

Des couteaux dans le dos assassinent vos peurs pour libérer vos désirs d’être ?

Pierre Notte : Cette pièce est un vrai parcours initiatique. C’est l’histoire d’une jeune fille qui passe par des états très différents, c’est mon Peer Gynt à moi, avec amour, insolence et respect à l’égard des grands maîtres du théâtre scandinave. Le parcours initiatique de cette pièce consiste, pour Marie, à en passer par l’espace domestique, trop petit pour elle, qu’elle va exploser, par les monstres, le trottoir, les autoroutes, par le refus de tout et par l’acceptation de tout, jusqu’à même s’interroger sur la mort. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux en finir ? Elle passe par toutes les interrogations possibles et donc par toutes les peurs, pour accepter que le salut, la survie, le repos passe probablement par l’autre, c’est-à-dire la place accordée à l’autre. Tout ce qui motive cette jeune fille, c’est la quête de sa propre identité.

Votre pièce est construite comme un conte. Elle en respecte le schéma narratif. Quel est la quête du personnage principal ?

PN : La quête de ce personnage serait la paix avec soi-même. Le personnage principal, Marie, part pour fuir, sans comprendre ce qu’elle fuit, mais est bien vite confrontée à un problème, c’est-à-dire elle. La question, c’est comment faire pour s’en sortir ? Elle dit « oui » à tout, elle dit « non » à tout et finit par faire la synthèse. Ceci est un jeu pour nous dans la manière de raconter ce parcours initiatique avec tous les personnages qu’elle rencontre sur son parcours. Mais il faut que Marie en passe par une sorte de violence pour en arriver à une sorte de paix avec elle-même et cette paix, peut-être, c’est l’autre. La mort est envisagée dans une dimension très symbolique et amusée puisqu’il s’agit d’en faire l’expérience et d’en revenir. Après avoir effectuée de nombreuses rencontres, Marie en arrive à la morale de cette histoire, qui est peut-être, vivre quelque chose plutôt que rien. C’est une pièce qui est constituée de citations, de beaucoup de citations, de Rilke par exemple dan son ouvrage Les lettres à un jeune poète : « L’amour est un travail pour lequel tout autre travail n’est que préparation ».

Marie, qui cherche à se cacher du monde, est elle encore dans une forme de réalité, même lorsqu’elle se coupe ?

PN : Dans ce parcours initiatique, elle dit « non » à tout et va tout refuser, l’école, la famille, le cadre social, même le rêve qu’elle avait initié d’être gardienne de péage, qui la coupait du monde ; c’était mon rêve lorsque j’étais petit, je voulais être gardien de péage. C’était mon seul rêve car je voyais les gens isolés dans leur bloc de verre, avec un petit écran et tout à portée de mains. Ils étaient au bout du monde, loin des villes, des champs. Il y avait une sorte d’hypnose dans l’isolement qui me convenait parfaitement. Dans cette configuration, c’est le refus du monde de la part de Marie lorsqu’elle dit « non » à tout. Puis après, elle va vers l’autre et là tout le monde arrive dans son monde et elle dit « oui » à tout, mais alors sans plus de discernement, non plus. Enfin, elle fait le bilan. Après, elle se coupe, en effet, et c’est sa modalité d’être au monde et de ne pas y être bien.

Vous avez écrit Des couteaux dans le dos sous l’influence de Bergman, Clouzot, Rilke, Genet, Cocteau, Pasolini, Prévert etc… On a le sentiment que ces auteurs font plus que vous influencer, mais vous accompagnent, vous construisent.

PN : Non seulement, ils accompagnent et construisent la pièce mais en plus ils contribuent à son écriture. Lorsque je dis avoir écrit la pièce sous l’influence de ces auteurs, c’est par immodestie car il y a beaucoup de citations. Il y a une scène entière Des corbeaux de Clouzot qui est citée. Il y a des phrases de Rilke, d’Ibsen, de Godard qui sont citées, parce que c’était aussi important qu’il y ait cette circulation dans les influences, dans les choses qui nous tiennent à cœur.

Des couteaux dans le dos est aussi un spectacle musical. Comment avez-vous conçu la mise en scène ?

PN : La mise en scène est très musicale et très attachée à la musique du texte. Elle n’est pas du tout conçue dans un espace réaliste puisqu’on a affaire à cinq jeunes filles qui ont à interpréter une trentaine de personnages dans des lieux très différents, représentés par une chaise et une table. L’ensemble repose sur l’énergie des cinq actrices qui se trouvent dans un mouvement, un ballet permanent. Il y a un jeu de lumières très important avec 70 installations pour une pièce qui dure 1h15, car tout se joue dans la lumière, dans le mouvement et l’énergie des jeunes filles. C’est un véritable tourbillon incessant avec des figures très expressionnistes, très marquées par des mouvements presque mécaniques. En revanche, la figure de la jeune fille est extrêmement naturaliste, elle est perdue dans un monde imaginaire. L’ensemble est tellement dense et intense et va tellement vite, que nous essayons d’être dans des moments d’aération. Pour cette reprise au Théâtre de la Bruyère, nous avons tenu compte de réserves ou critiques afin de nous situer dans un rythme au plus proche de ce que nous voulions transmettre. Les 1h25 de spectacle à l’origine, se sont réduites à 1h15, car l’ensemble est tellement dense, intense qu’il fallait procéder à la réécriture de trois scènes afin que le spectateur apprécie la pièce d’un bout à l’autre en étant toujours en état d’alerte. C’est un spectacle qui demande une attention très particulière, car la langue n’est pas simple, le mouvement incessant et l’intensité, permanente.

Auteur invité aux Déchargeurs, vous voici auteur associé et conseillé au Théâtre du Rond Point. Quelles sont vos fonctions dans ce théâtre ?

PN : Je travaille aux côtés de Jean-Michel Ribes et toutes sortes de gens du Théâtre, qui sont extrêmement ouverts, disponibles, généreux, qui travaillent dans des conditions où la première exigence est que le travail ne doit pas être un lieu de souffrance. Il y a ici, une liberté de ton, d’action, une légèreté, une efficacité d’action qui sont incessantes. Nous sommes en perpétuel mouvement. Nous avons, avec Jean-Michel Ribes, le projet de fonder une école de théâtre, celle du Rond Point et de revoir même, à certains endroits, l’accueil du public. Je participe aussi à la programmation avec toute l’équipe de direction, puisque c’est un travail partagé qu’organise Jean-Michel Ribes. J’écris aussi, toutes les brochures qui concernent les spectacles de la saison prochaine, dans laquelle je jouerai une pièce que j’ai écrite et qui s’intitule Et l’enfant sur le loup que Patrick Kerbrat mettra en scène. Mes partenaires de jeu, seront Judith Magre et Jean-Jacques Moreau. C’est une pièce que j’ai écrit pour Judith Magre et qui commence par « J’en ai marre de ma gueule et je fais déjà vieille pute. » Je jouerai le rôle du loup dans cette pièce. Je suis vraiment très heureux et enthousiasmé par tous ces projets.

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Des couteaux dans le dos
De et mis en scène par Pierre Notte
À partir du 28 janvier 2010

Théâtre de la Bruyère
5, rue de la Bruyère
75 009 Paris

www.theatrelabruyere.com

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