Critiques // « Prosper et George » de Gérard Savoisien au Théâtre La Bruyère

« Prosper et George » de Gérard Savoisien au Théâtre La Bruyère

Mai 03, 2010 | Aucun commentaire sur « Prosper et George » de Gérard Savoisien au Théâtre La Bruyère

Critique de Bettina Jacquemin

« Qu’ils me pardonnent si je les ai démasqués »

George Sand, la plume à la main répond aux demandes répétées de Prosper Mérimée, désireux de se voir accorder « un peu de temps » par celle qui rencontre le succès littéraire. Les nombreuses lettres se succèdent entre les deux écrivains avant que la romancière d’Indiana ne permette à l’auteur du Théâtre de Clara Gazul de l’accompagner à… l’opéra ! Prosper se montre insistant. Il se voit récompensé ; George finit par succomber…

De l’ordre de l’ineffable

On connaît de George Sand sa liaison mouvementée avec Frédéric Chopin et l’influence d’Alfred de Musset. L’Histoire dit qu’en avril 1833, elle rencontre Prosper Mérimée.

Gérard Savoisien choisit de mettre en scène la courte idylle entre Prosper et George. « Un fiasco avoué de part et d’autre » rapporte l’auteur. « Il m’a semblé que ces deux êtres, juste en train de gravir les marches de la gloire littéraire, s’étaient peut-être trouvés, avaient vécu une folle passion et, les jours lucides succédant aux nuits d’ivresse, s’étaient surpris, comme si de rien n’était, gardant secret un moment intime. »

© Philippe Fretault

A corps perdus

« Les  nuits d’ivresse » s’enchaînent. George aime follement et réclame de l’attention. Prosper, charmeur et charmant, aime la jeune femme, son corps et ses pensées. Besoin d’amour et admiration de l’autre. Les deux écrivains se ressemblent dans l’abandon. Sens en émoi. Besoins intrinsèques. Un amour vital, au-delà du raisonnable. Mais, jusqu’où mène t’il ?

Les rumeurs succèdent aux cancans. On appelle « garce » celle qu’on jugeait auparavant trop « masculine ». Celle qui porte pantalon et gilet. La femme qui prend la plume pour exercer un métier d’homme.  Mérimée entend les médisances. George ne les écoute plus.
Mais, la passion qui unit les deux écrivains est étouffante. George ne trouve plus l’inspiration. Les mots deviennent rares. Ceux qui la rendaient libre. Les disputes laissent alors bientôt place à la rupture.

Avec élégance

A ce moment intime, il fallait un texte brillant. Des mots suffisamment intenses pour deviner l’indicible. Le texte de Gérard Savoisien est à la hauteur des ambitions de départ. L’auteur a « fini par croire cette vérité », celle de la « folle passion ». Il la rend accessible et propose des dialogues subtils et légers. Le texte est truffé d’anecdotes sur la Société de l’époque. Il fait régulièrement référence à Victor Hugo, Sainte-Beuve et Dumas. A moins que ce ne soit Balzac ?…

La mise en scène proposée par Thierry Lavat sert avec délicatesse l’interprétation des deux comédiens. Tout y est « grâce » ; le choix de la méridienne, les costumes et les ombres chinoises, permettant ainsi à Miren Pradier et Christophe de Mareuil de s’évader dans un environnement aussi enchanteur que leur jeu d’acteur. Elle, virevolte avec passion. Et lui, désarme par sa nonchalance.

Un merveilleux « abandon de soi » qu’ils nous transmettent avec intensité.

Prosper et George
De : Gérard Savoisien
Mise en scène : Thierry Lavat
Costumes : Anne Ruault
Décor : Olivier Prost
Lumières : Marc Gingold
Avec : Miren Pradier et Christophe De Marreuil

Du 28 avril au 3 juillet  2010

Théâtre La Bruyère
5 rue La Bruyère, 75 009 Paris
www.theatrelabruyere.com

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