Critiques // « Pour en finir avec Bérénice » de Faustin Linyekula à Chaillot

« Pour en finir avec Bérénice » de Faustin Linyekula à Chaillot

Avr 02, 2011 | Un commentaire sur « Pour en finir avec Bérénice » de Faustin Linyekula à Chaillot

Critique de Solveig Deschamps

Chorégraphe et metteur en scène, Faustin Linyekula est né à Kisangani. Il quitte la république démocratique du Congo à cause de la guerre civile et s’installe à Nairobi où il fonde en 1997 la compagnie Gàara, première compagnie de danse contemporaine du Kenya. De retour au Congo il fonde Les Studios Kabako. Il a reçu en 2007 le grand prix de la fondation Claus pour la culture et le développement. En 2009, Faustin Linyekula met en scène « Bérénice » de Racine à la Comédie Française, l’année suivante il crée « Pour en finir avec Bérénice » au festival d’Avignon.

© Agathe Poupeney

Bérénice en république démocratique du Congo

28 juin 1960, deux jours avant l’indépendance du Congo, Vankelmans de nationalité belge, professeur de français à Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) sait qu’il va devoir partir et décide de monter avec ses élèves « Bérénice » de Jean Racine, l’histoire de cette reine de Palestine, exilée par amour et que Titus, futur empereur de Rome, contraint par le sénat, va chasser du pays. Est ce sa façon d’en finir avec la tragédie, celle d’un homme qui a participé à la colonisation, qui a bâti sa vie au Congo. Est ce lui le bouc émissaire ?

« Ne tardons plus à faire ce que l’honneur exige »

© Agathe Poupeney

Sur le sol du sable rouge, en fond de scène six chaises et une table, la table du procès, la table de la tragédie, la table de la mise à mort de Bérénice, son expulsion du pays, en avant scène une échelle sur laquelle personne ne grimpera comme si l’histoire du Congo était encore bien trop lourde pour permettre de s’en détacher. Six comédiens congolais qui entrent en déposant des galets sur le sol et Faustin Linyekula, corps offert à la nudité, corps désarticulé, corps qui va danser sans discontinuer tout au long de la représentation, corps en transe. C’est lui Titus qui va chasser Bérénice hors du pays malgré l’amour qu’il lui porte.  C’est sur lui que les acteurs vont jeter les pierres. Le français côtoie le lingala, les visages sont fardés de blanc, les alexandrins surgissent comme pour compter les morts qui suivront l’indépendance. Un pays peut-il échapper à la guerre civile pour être libre ?

C’est la langue française qui a tué notre pays

Et nous assistons impuissants à la représentation, tout y est confus et nous plonge dans l’incompréhension et l’ennui, on ne sait que penser du message qui nous est adressé. Oui, bien sûr, nous comprenons que c’est la langue française qui a tué le pays, qu’il faudra du temps au Congo pour retrouver sa véritable identité.

Beaucoup d’amertume à la sortie du théâtre, nous voilà envahis d’une vague culpabilité qui est à la mesure de l’absence de cohérence sur le plateau.

Pour en finir avec Bérénice
Direction artistique : Faustin Linyekula
Avec : Innocent Bolunda, Madeleine Bomandje BIAC, Daddy Kamono Moanda, Joseph Pitshou Kikukama, Véronique Aka Kwadeba, Pasco Losanganya Pie XIII, et Faustin Linyekula
Assistant à la mise en scène : Robain Lomandé Moise
Musique : Flamme Kapaya
Régie lumière : Virginie Galas

Du 30 mars au 1er avril 2011

Théâtre National de Chaillot
1 place du Trocadéro, 75 116 Paris
www.theatre-chaillot.fr

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