ƒƒƒ article de Camille Hazard

© DR

Un village en deuil à la suite d’une explosion de gaz

Une commémoration organisée pour les morts de cette tragédie

Puis la douleur, la division, la peur et la haine

Une communauté qui éclate et se replie sur elle-même

Parviendra-t-elle à se délivrer et à renaître ?

Dans une atmosphère cacophonique, pleine de vie et de gravité, la Needcompany, fondée et dirigée par Jan Lauwers depuis 1986, nous renvoie à nos propres démons ; le besoin incessant de trouver un coupable à nos malheurs, la volonté de vengeance qui germe en imaginant que celle-ci apaisera notre douleur, la méfiance envers l’autre, celui qui ne nous ressemble pas ; tous ces démons irrationnels qui gangrènent les êtres, les villes, les pays, les continents…<
« Je suis convaincu que nos sociétés occidentales ne peuvent pas continuer dans ce repli sur elles-mêmes. Prétendre que le multiculturalisme a causé la faillite de nos sociétés, comme le font plusieurs de nos dirigeants politiques, me paraît criminel. »
Jan Lauwers

Le village « carte postale » de Jan Lauwers, choqué après la mort accidentelle de 24 personnes, se replie sur lui-même jusqu’à la nécrose. L’explosion de gaz provoque un enchainement d’abominations (suicide, pédophilie, inceste…) tout en favorisant l’extériorisation puis l’exacerbation des travers de chacun ; alcoolisme, racisme, machisme… Les non-dits éclatent et le vrai visage de la communauté apparaît. Mais l’espoir subsiste toujours malgré tout et les nœuds vont se dénouer. L’arrivée messianique d’un homme tombé du ciel ou plutôt d’un boatpeople, trouble ces villageois pleins de certitudes. Cet étranger va délier les langues, délier les libertés enfouies et frustrées, par sa présence métaphysique et authentique. L’Autre n’est plus source de crispation mais devient libérateur. Jan Lauwers pense le théâtre de manière totale, les questionnements de l’homme font partie intégrante du travail de la compagnie et le metteur en scène s’en empare dans ses créations.

« J’écris sur la peau des acteurs, qui est à mon sens, la peau du monde. »

La conviction fondée de Jan Lauwers, que le multiculturalisme n’est pas cause de tous les maux de nos sociétés occidentales mais bien un atout à l’ouverture et à l’épanouissement des peuples, forme l’architecture du spectacle. Une multitude d’expressions comme le jeu bien sûr mais aussi la danse, le chant, la performance plastique, la musique, crée un tourbillon de rythmes, de climats, et fait émerger sur le plateau, la vie dans toute sa douleur et sa jouissance. Des milliers d’objets s’entassent pèle-mêle, comme les différentes langues parlées par les comédiens omniprésents sur le plateau, des jets de vie émergent dans le fond, à gauche à droite, laissant le spectateur libre de choisir son focus et son histoire.

Quel spectateur n’a pas ressenti l’effroi devant l’image de la mère emmenée dans les ténèbres ? Qui n’a pas eu le ventre et la gorge noués pendant le monologue de la danseuse Yung-Im Her ? Le parti pris de ne pas faire incarner les personnages par les comédiens mais de présenter des situations avec distance nous épargne toute morale abêtissante et c’est d’autant plus puissant !

Place du marché 76
Texte, mise en scène et images : Jan Lauwers
Costumes : Lot Lemm
Dramaturgie & sous-titrage : Elke Janssens
Chorégraphe assistante : Misha Downey
Son : Ditten Lerooij
Lumière : Ken Hioco
Créateur marionnettes : Paul Contryn
Introduction dramatique : Erwin Jans
Avec : Grace Ellen Barkey, Anneke Bonnema, Hans Petter Dahl, Julien Faure, Yumiko Funaya, Benoît Gob, Sung-Im Her, Romy Louise Lauwers, Maarten Seghers, Jules Beckman, Catherine Travelletti, Jan Lauwers, Elke Janssens

Les 4, 6, 7 mars à 20h30
Les 3, 5 mars à 19h30
Le 8 mars à 15h00

T2G – Théâtre de Gennevilliers
CDN de création contemporaine
41, Avenue des Grésillons – 92230 Gennevilliers
M° Gabriel Péri
Réservation 01 47 93 77 18
www.theatre2gennevilliers.com

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