© Sammi Landweer
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Une immense bâche transparente qui claque violemment et la mer roule et mugit. Au centre un corps balloté tente de résister à cette houle vite déchaînée avant de renoncer, vaincu. Voilà la première image de Pindorama, qui dans la langue Tupi désigne le Brésil d’avant la colonisation portugaise. Viendront s’ajouter d’autres corps, tout aussi violemment secoués, accrochés désespérément les uns aux autres pour lutter en vain contre ces vagues qui s’abattent sans répit. Ces corps seront à leur tour vaincus. Engloutis, ils disparaîtront dans l’obscurité qui gagne le plateau. Ils reviendront, rampant avec lenteur, sur un sol humide, marée humaine disloquée, bientôt rassemblés en une seule masse vibrante, un seul et même souffle et corps. C’est une création toute simple, avec peu de moyen, une bâche donc, quelques ballons gonflés d’eau, bulles qui éclatent et recouvrent le plateau d’une couche aqueuse dans laquelle nous pataugeons aussi. Dix danseurs nus, si près de nous qui partageons éclaboussés le même espace que nous percevons leur souffle, les moindres variations de leur peau et leurs muscles à vif, tendus par l’effort. Que nous entendons les chocs brutaux de ces corps chahutés. La chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues signe une œuvre poétique où les corps épousent les éléments en furie auxquels ils sont confrontés avant de se métamorphoser, vaincus par ces mêmes éléments, en paysages mouvants incontrôlés, et de disparaître. Le mouvement est contraint, impossible. La danse est une lutte pour la survie. Et cette fragilité du danseur empêché, impuissant, a quelque chose de bouleversant, de tragique. Rien d’innocent, hormis leur nudité, dans cette œuvre engagée, écologique, radicale et terrible par son épure. Ces corps en lutte, solidaires, vaincus par un tsunami, un torrent qui n’est qu’une simple bâche agitée, sont bien la métaphore de ces peuples premiers et pauvres, colonisés, premières victimes impuissantes d’un changement climatique violent qui les emporte inexorablement vers leur fin. Et par glissement ils sont aussi les migrants aux traversées fatales qui ne verront jamais les côtes espérées. Rien de démonstratif, de pesant, mais une évidence qui éclate très vite comme ces bulles d’eau fragiles installées par les danseurs, lent rituel qui nous invite à entrer dans cette danse de mort.
Pindorama, chorégraphie de Lia Rodrigues artiste associée
Dramaturgie Silvia Soter
Collaboration artistique Guillaume Bernardi
Lumières Nicolas Boudier
Direction des répétitions Amalia Lima
Régie générale Nicolas Boudier, Magalie Foubert
avec Clara Amorim Calvacante, Francisco Thiago Cavalcanti Da Silva, Luana Da Silva Bezerra, Glaciel Farias, Gabriele Nascimento, Leonardo Nunes, Vanetina Prestes, Caroline Repetto, Maruan Sipert, Felipe Vian
Du 19 au 22 Décembre 2017 à 19h45
Chaillot-Théâtre National de la Danse
1, place du Trocadéro
75116 Paris
Réservations 01 53 65 30 00
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